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Au sommaire :
Mon
petit
Fragments
de vie
Saveurs
du pays : le sarmalé
Un
matin de transport en Roumanie
Roumanie
la Surprenante |
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Baïa de Cris
22/06/2004
Mon petit,
14 années se sont passées mon petit
depuis que l’on t’a découvert hurlant de terreur, supplicié, dans un
mouroir appelé orphelinat.
Depuis, sous la pression des communautés
diverses et le battage médiatique, tu as été pour un temps leur unique
objet, on t’a comblé.
Les innocents et les bons mais aussi les
censeurs et redresseurs de torts sont apparus.
Ils ont désigné les coupables,
redistribué les rôles et fait en sorte que ta nudité soit recouverte.
Ton assiette s’est remplie, ils t’ont
donné un lit et fait que ton apparence ne soit plus une offense pour
l’humain.
Ils sont venus, ils sont repartis vite,
une nouvelle urgence les appelant ailleurs.
Ton image les hante, certains pensent à
toi, d’autres t’ont oublié, quelques uns peu nombreux sont restés,
comme fascinés par ton mystère.
Hier par deux fois je t’ai revu.
En m’approchant j’ai reconnu ton
odeur, rencontré ton regard, je t’avais retrouvé.
A cet instant la mort m’a traversée et
j’ai su que c’était toi.
Je t’avais abandonné mon petit, trop
heureuse vois-tu de te savoir si vite nanti.
Oui j’ai été insouciante, oui je
voulais oublier les ruses du loup.
Il a changé d’apparence, il a aussi
modifié un peu la tienne.
Ton odeur m’a guidée, je savais
qu’elle ne m’avais jamais quittée.
Elle m’a dit que pour l’essentiel
rien n’avait changé pour toi.
Tu n’existes pas pour eux mon enfant,
ne le comprends-tu pas ?
Ils sont là partout, de plus en plus
nombreux qui te guettent, cours, cours, sauves-toi.
Leurs alliés sont puissants et j’ai si
peur pour toi, pour moi.
Cours, cours, caches toi…
Qu’allons nous faire ?
Renata Algeo
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Baïa de Cris
18/07/2004
Fragments de vie 1
Costica le Père
La vrille sur le chantier lui a arraché
les 2 pieds.
Ses moignons saignent depuis 4 ans,
plaies ouvertes et tout ce sang qui n’en fini pas de couler.
A l’hôpital, le médecin, par mégarde,
a laisser tomber son mégot allumé dans le trou sanglant.
L’horreur est passée sous silence,
l’autorité est si puissante ici.
Sa femme et ses enfants gémissent de
faim et de misère.
Infini de l’enfer sur terre.
Les pauvres rêvent.
Ta femme est partie travailler en Italie.
Elle est " bonne à tout faire "
dans une famille.
Depuis son départ tu n’as cessé de
grossir, grossir.
Ton travail est ici, tu te dois de
rester.
Toi le père, tu es devenu la mère de
votre unique enfant.
L’enfant abandonné qui refuse de
parler à sa mère.
Ta femme reviendra à la fin de l’été,
tu l’attends.
Tout ce poids que tu as pris, lourdeur de
ton attente.
A son retour, sa propre mère partira là-bas,
à tout prix ne pas perdre la place.
L’argent gagné servira longtemps pour
le manger, les chaussures, la maison.
L’argent gagné en terre étrangère
est précieux.
Quel est ce pays de familles déchirées ?
Roumanie tu ne nourris pas tes enfants.
Tes femmes et tes hommes se jettent sur
les routes.
Chaque jour tu perds un peu plus ta
substance vive.
Le travail de l’homme vaut-il ce prix ?
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Baïa de Cris
17/07/2004
Saveur du pays
Pour qui arrive en Transylvanie (mais
peut-être est-ce pareil en Moldavie, Maramures et pourquoi pas dans les
Carpates ? …), la découverte des SARMALES s’impose; mais
attention, attention, il ne s’agit ici que de sarmalés amoureusement
confectionnés par la ménagère roumaine, pour les siens.
Le choux blanc pommelé, les herbes
odoriférantes : sariette, fenouil, paprika, thym et le coulis
de tomates fait maison, tout participe à la joie des sens.
Ce plat de fête populaire qui requiert
les gestes de la pauvreté, pudiquement appelés ici les gestes de l’économie
demeure un modèle du savoir-faire et de la patience des femmes roumaines.
Le voici :
Ingrédients pour 15 personnes
(environs 50 sarmalés) :
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5 choux blancs de Roumanie bien pommelés
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1,5 kg de viande hachée de porc
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2 oignons
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sel/poivre/4 feuilles de laurier/4
branches de sariette/4 branches de fenouil
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350 g de lard
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3 cuillères d’huile
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350 g de riz
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2 petites bouteilles de coulis de
tomates, frais |
Confection :
* Dans une marmite d’eau bouillante,
faire blanchir les choux évidés de leur base trop dure
* Une fois fait, retirer les premières
grandes feuilles et les réserver
* Dans un grand récipient bien mélanger
la viande hachée, le lard et les oignons coupés en petits dés
* Ajouter sel/poivre/paprika/2 branches
de sariette et les cuillères d’huile
* Laver le riz et le mélanger à la
farce
* Au fond d’un grand faitout mettre 4
branches de fenouil, le reste de sariette et quelques feuilles de choux réservées
coupées en petits morceaux + laurier
* Séparer délicatement les feuilles de
choux blanchies (si la nervure est trop grosse la désépaissir au
couteau)
* Dans chaques feuilles déposer une
petite quantité de farce et confectionner une sorte de " rouleau
de printemps " bien serré
* Déposer les rouleaux au fond du
faitout, bien en ordre
* Les recouvrir de petits morceaux de
choux et alterner ainsi couche de rouleaux et couche de choux coupé
jusqu’au remplissage de faitout
* La dernière couche de rouleaux sera
recouverte et protégée par de grandes feuilles entières de choux
blanchi
* Recouvrir d’eau froide
* Laisser mijoter à feu doux pendant
1h30 environ
* Surveiller le niveau d’eau et en
rajouter si besoin
* 10 minutes avant de servir, verser le
contenu des 2 petites bouteilles de coulis de tomates frais.
Le sarmalé est ainsi fait, bienvenue en
Roumanie !
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Baïa De Cris, le
14 juillet 2004
Un matin de transport en Roumanie
Il fait froid sur le bord de cette route.
Le bus n’arrive pas. Viendra ? Viendra
pas ?
Rodica fait le signe de la main, le gros
transport routier s’arrête.
Dans la cabine il fait chaud, odeur des
corps, odeur de nuit.
Une paire de sandales de femme traîne
sur le tapis.
Une jeune fille à la sombre chevelure
dort profondément sur la couchette arrière.
L’homme qui conduit le camion porte
haut et fort son identité tsigane, noir de sa peau, noir de ses cheveux,
noir de sa somptueuse moustache.
Sur ses genoux un caniche, tranquille,
qu’il enserre de ses bras en conduisant.
Il font le voyage ensemble depuis si
longtemps, qu’il ne peut bien conduire qu’avec l’animal à ses cotés
explique-t-il.
Il me faut parler ici maintenant de
l’extrême courtoisie des roumains, de leur gentillesse.
Sur la route qui nous mènes à Deva,
nous croisons les Roms.
Taches de couleurs vives pour les femmes,
longues silhouettes aux larges chapeaux à rebords pour les hommes.
Les Roms infatigables marcheurs devant
l’Eternel et comme partout, exclus de cette Terre.
"La Roumanie est tout au bout
de la géographie " dit Rodica, un signe de sa main, un autre
camion s’arrête, notre retour est assuré.
Au pays d’incertitude, tout déplacement
reste aléatoire, la surprise est une composante du voyage.
Eprouvante Roumanie pour ses habitants,
lenteur… lenteur et résistances… que de temps passé à attendre…
pour un rien.
Par bien des aspects Rodica a raison, la
Roumanie est encore "tout au bout de la géographie".
Renata Algeo
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" România
mereu Surprinzatoare "
Roumanie
La Surprenante
Premières
impressions
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Les
hommes
La
traversée d’une frontière s’impose toujours à moi avec émotion.
S’y
mêlent dans l’instant immédiat, des prises sur le vif, choc des sens
en alerte.
Ici,
partout, sont présents les hommes, les hommes sombres, rassemblés autour
d’une parole à forte dominante latine, que mon oreille goûte aussitôt.
En
premier bien sûr sont là les hommes, là où se manifestent l’événement,
la rencontre possible, l’évasion, dans les gares, les arrêts
d’autobus, les bars.
Sauvages,
organisés, à l’affût, ils ont dans les yeux la vision de lointains
inaccessibles, prières de souffrants, de condamnés.
L’âcreté
de la cigarette, le jeu clandestin, l’argent qui circule vite, si vite,
l’alcool, l’avidité et chaque jour pour eux la promesse renouvelée
d’un Occident d’abondance.
Les
enfants
Les
enfants sont partout.
Ils
battent les rues en bande, regard affamé et corps vibrant.
La
vivacité du geste, la rapidité de l’accroche avec l’étranger, tout
parle de curiosité, du désir de savoir l’ailleurs, un ailleurs
meilleur qui apaiserait leur soif et leur faim.
Le
rêve est immense et le manque évident : les traces sur le corps, la
fébrilité du regard, tout est dit, l’émotion me traverse.
Où
avons-nous déjà vu ces enfants là ? Car nous les reconnaissons
assurément, tous et un par un, répétés à l’infini par une mémoire
qui ne cesse de défaillir à l’approche de la révélation.
Qui
es-tu enfant de Roumanie ? Quelle place t’a-t-on réservée ?
Es-tu l’avenir de l’homme ? Es- tu vraiment son devenir ?
Ta
vitalité me saisit, ta souffrance me bouleverse.
Parle-moi
de ton espérance.
Les
femmes
Les
filles-fleurs ouvrent leurs couleurs vives et les étalent.
Les
corps sont parés et déambulent, prêts pour la cérémonie des regards.
Dieu
que les filles sont belles !
Les
femmes-mères trop vite poussées, le corps déjà lourd, leurs petits
pressés contre elles, évaluent leur temps déjà épuisé.
Tous
ces enfants, trop vite arrivés dans leur ventre, trop vite sortis…
Encore des enfants à venir…
Trop
d’enfants pensent-elles, mais leur bouches se ferment, seuls leurs cris
battent l’air.
Dès
le sein fini, un autre a pris ta place, enfant ton enfance s’arrête là.
Pour
toi aussi, fille-fleur, ton temps est évanoui, ta couleur vive s’est éteinte
dès l’enfant porté en toi.
Une
ligne amère sur tes lèvres, ton regard de femme guette encore.
Vigilance
de la mère… déjà.
Ton
feu couve, je capte les signes de ta beauté nouvelle.
Fatigue.
Comment vas-tu les nourrir ? |
Au
marché
Il
est arrivé comme ça, par surprise.
Non !
Je crois bien que je l’attendais.
Je
ne connaissais pas son visage.
Le
grand lui a volé ses bananes et s’est enfui, le tout petit est resté.
Il
voulait être là, avec sa volonté farouche de revanche et ses ruses
d’enfant… Déjà.
Il
a quémandé la nourriture et évalué l’étrangère, son portefeuille,
l’infini possible
aujourd’hui
pour lui, de rassasier sa faim.
Il
a porté les sacs et s’est fait grand, lui, le tout petit.
En
terre inconnue, la parole manque.
Comment
dire le Droit de l’enfant ici ?
Enfant,
comment faire savoir ton indicible ?
La fête
de Francine ou " le festin de Babette "
Oui,
ils sont arrivés nombreux, grands et petits pour le soir de la grande
surprise.
Ils
ne savent pas, mais chacun s’est préparé avec soin, propre et digne.
Quelques
mères les accompagnent.
Présentation
de l’enfant, de leur enfant, qui aujourd’hui est le Roi.
Enfant
de Roumanie, Roi d’un jour, je te salue.
A
table, au restaurant (et c’est pour toi la première fois), toi
l’enfant de la rue, tu sais quelle est ta place, tes gestes sont à l’économie
mais tes yeux brillent.
Il
y a dans l’air ce soir comme un air de fête !
La
chanson que tu reprends te fait oublier la désespérance des jours de
faim, l’habitude d’une violence si souvent exercée.
Sais-tu
que tu m’impressionnes !
Il
y a tant de forces vives en toi, intactes, où vas-tu donc les puiser ?
Oui,
je te salue enfant.
A
travers toi, je salue Francine qui a su aller à ta rencontre avec humilité
et confiance.
Elle
partage avec toi désormais le grand secret d’une chancelante et encore
timide lumière.
Renata
ALGEO
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