La
Roumanie d'aujourd'hui n'a certes plus grand chose de commun avec celle
d'hier mais emmène parfois avec elle des pans entiers de de passé qui
refusent de se détacher.
Je remarque le fond
sonore souvent très prenant au moindre endroit public que nous
fréquentons si ce n'est même parfois dans la sphère privée. Plus
vraiment rationnel de vouloir comme avant brouiller les sons pour tenter
de mettre en difficulté les mouchards dissimulés dans les pièces afin de
surprendre les conversations. Je ne crois pas que la précaution soit
encore nécessaire mais il se pourrait bien que ce tintamarre permanent
ne soit pas sans rapport avec la crainte viscérale qui sévissait du
temps où les murs d'ici avaient des oreilles.
Je
n'aurais pas moi-même fait cette analyse sans m'être un jour étonnée
auprès de Francine de tous ces décibels jetés au vent. Son hypothèse
vaut ce qu'elle vaut mais elle pourrait bien mettre en lumière cette
inconfort que les gens d'ici se crée en se faisant accompagner de tant
de bruit alors qu'ils conversent sur une terrasse de café, dans un bus
ou au restaurant.
J'ai mis des années à
accepter de fermer mes volets pour protéger ma maison de la chaleur du
soleil lorsque je suis venue habiter dans le sud de la France. J'étais
du nord où le soleil, denrée rare, doit coûte que coûte entrer dans la
maison. Cette nécessité m'avait suivie, irrationnelle mais tellement
ancrée que, refusant intimement de sacrifier au bon sens local, je
continuai à suer sang et eau de tous mes pores chaque nuit, jusqu'à ce
que peu à peu s'estompe la marque de mes origines.
Les
roumains ont vécu collectivement dans un climat d'angoisse objectivement
révolu, du moins celui qui leur faisait craindre d'être jeté en prison
et torturé pour un mot de trop. Se sépare-t-on néanmoins si facilement
que cela de précautions qui furent vitales quand bien même le danger
sera définitivement écarté ? Pas sûr.
L'empreinte du traumatisme peut
aussi prendre la figure d'une certaine résistance à des obligations
désormais caduques quand par exemple la quasi-absence de bénévolat dans
ce pays semble découler du fait que les gens ont suffisamment travaillé
gratuitement pour l'état à l'époque du communisme.
Après
de longues journées de travail ou d'étude, il fallait encore donner son
temps à l'état qui imposait à ses sujets toute sortes de tâches diverses
et ingrates. Le temps était volé et aujourd'hui ne semble pas bien
volontiers offert à de bonnes causes.
Il est
vrai que beaucoup de gens sont contraints ici de songer d'abord à leur
survie mais parmi les gens qui pourraient faire un petit geste, la
volonté d'aider est encore un peu timide.
La personne roumaine qui
m'a parlé ainsi des causes du peu de bénévolat dans son pays, semblait
épouser étroitement ces raisons ne les remettant nullement en question.
En attendant que cette situation évolue, il faudra donc bien que
l'association trouve des fonds pour poursuivre son action, en
particulier celle du soutien scolaire que naïvement, je pensais pouvoir
faire réaliser par des bénévoles roumains.
La
Roumanie est un pays qui se remet mal d'une très grave maladie. Le pays
convalescent est dans notre
Europe mais ne peut avancer plus vite que ne lui
permettent ses forces.
Monique.
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