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La page de Monique 2014
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Pour la 2ème année, Monique nous communique un petit journal de ses observations et impressions en Roumanie.
 
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Le petit journal de Monique - Roumanie 2014
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Baia de Cris, le 24/08/2014
 
Pauline s'en va une semaine plus tôt que prévu car elle doit penser à son avenir et se présenter à un entretien de recrutement de psychologue. C'est dommage car j'avais commencé à bien sympathiser avec cette jeune femme qui partageait mon espace nocturne. Il nous reste les six scouts qui sont aussi très sympas mais plus jeunes et un rien fatiguants quand il se mettent à débiter leur plaisanteries ultra branchées. Dans ces moments là, nos deux mondes se séparent car leur bulle devient alors impénétrable, scouts toujours...

Pour fêter ce départ, Francine a proposé que nous allions boire un coup à Baia de Cris, c'est-à-dire dans une cafétaria bar à deux pas de sa maison. Après le mariage auquel nous avons assisté samedi soir au resto, nous sommes arrivées en plein anniversaire. Des parents de la bonne société de Baia de Cris se sont réunis là avec leurs enfants pour fêter l'anniversaire d'une petite fille. Il y a la pharmacienne, le médecin, l'italien fabriquant de nains de jardin, un templier et d'autres encore. Ils nous ont fait une petite place et nous nous sommes vite retrouvées avec des fruits frais sur la table puis un verre de cognac en plus de nos consommations...Entre deux électrochocs, la Roumanie nous ménage très souvent des moments de pure gaité et de convivialité. Cela fait bien plaisir en tout cas d'avoir pour une fois sous les yeux des familles heureuses avec des enfants épanouis.

Ce matin c'était une toute autre histoire. Lorsque nous avons quitté le centre ville de Brad pour nous retrouver sur une piste non goudronnée d'environ 4 km, nous avons vite compris que la fête ne serait pas au rendez-vous cette fois. Au bout de cette piste, un immeuble en construction depuis dix ans offrira lorsqu'il sera terminé une alternative à ces cabanes en parpaing qui tiennent lieu d'habitation à une soixantaine de roms. Ces derniers pour l'instant survivent plus qu'ils ne vivent dans ce lieu de désolation mais que feront-ils des quelques poules et canards qu'ils ont dans leurs minuscules cours lorsqu'ils devront aller vivre en appartement ?

Nous entrons dans ce qu'il n'est pas exagéré de nommer bidonville. A l'unique point d'eau disponible sous les étoiles pour ces soixantes familles, un jeune homme se rase, vision encore à peu près supportable du moment que l'action se déroule au soleil.

Je me demande si au lieu de construire des immeubles pour Roms avec l'argent européen quand on sait que partout où elle a été prise, ce type d'initiative a échoué, l'on ne serait pas mieux avisé de rendre l'endroit où ils vivent un peu plus salubre, du moins dans un premier temps. Les Roms vivent pour la plupart avec des aides qui leur assurent au mieux aux alentours de 50 euros par mois. Comment feront-ils pour payer leur loyer et les charges afférentes au logement inadapté que l'on va leur proposer ? Les autorités locales se sont d'ailleurs bien gardées de rapprocher ces gens du centre ville. Mieux encore, les roms qui vivent au centre ville juste en face du jardin d'enfants sont fortement pressentis pour aller vivre dans le cul de sac de La Stampul et même si certains d'entre eux auraient tendance à ne pas vouloir entrer dans cette souricière, il n'est pas sûr qu'il puissent faire autremant d'ici là. Il ne serait pas si étonnant que la ville soit prise de l'envie de résorber cette "poche d'insalubrité" et de tout raser sans autre forme de procès.


Les enfants de la Stampul nouvelle génération devront donc continuer à parcourir à pied et par tous les temps les plus de 3 kms qui les séparent de l'école la plus proche. Pas de transports scolaires pour les roms qui, ont le sait, se tiennent chaud dans leur unique pièce souvent dépourvue de moyens de chauffage. La chaleur humaine tient lieu aussi plus souvent que l'on ne pourrait le penser d'apport calorique alimentaire. Les gens ne mangent souvent que du pain et sont atteints de carences sévères nécessitant chez certains enfants des transfusions sanguines. (et pour la transfusion débrouillez vous pour trouver les sous jusqu'à l'hôpital qui peut l'effectuer à une soixantaine de km : le serpent qui se mord la queue). Aujourd'hui une mère de quatre enfant nous a montré ce que la cantine populaire remet à une famille de 6 personnes : environ 750g d'une méchante soupe de haricots et deux quignons de pain !

Je disais donc que même si l'on est pas prêt de trouver une solution pour que ces personnes trouvent leur place dans nos sociétés, il serait judicieux de procéder par ordre et de ne point conduire des actions susceptibles d'empirer la situation. Ne vaudrait-il pas mieux libérer tous ces enfants et leur famille du problème alimentaire en leur assurant la gratuité de la cantine ? Ne vaudrait-il pas mieux prioriser l'accès à une scolarité gratuite et soutenue plutôt que de construire un immeuble ? Francine essaie au maximum de faire en sorte que les enfants aillent à l'école dés le plus jeune âge et ne soient pas confrontés à la faim mais elle se fait beaucoup de soucis cette année car elle doit composer avec un budget qui va décroissant dans un contexte qui empire de jour en jour. Elle ne peut désormais plus payer la cantine et le soutien scolaire pour tous.

Monique.

 
Baia de Cris, le 16/08/14
 
Cà y est, je suis arrivée à l'heure convenue dans ce pays que beaucoup de natifs cherchent à déserter quand ils le peuvent.

J'ai voyagé entre Munich et Timisoara à côté d'un de ces nombreux jeunes qui s'expatrient pour offrir leur compétence à l'étranger. Il m'a dit être satisfait de cette situation car son salaire en Allemagne est très élevé. Il n'empêche qu'il exultait de joie à l'atterrissage, s'empressant d'appeler aussitôt sa grand-mère d'une façon très exubérante pour dire qu'il était arrivé... L'avion était je pense rempli de roumains dans cette même situation d'exil à part qu'ils n'étaient pas tous ingénieurs comme lui, mais pour beaucoup, femmes de ménages ou aides à la personne. Dans le bus j'entendais une jeune qui au téléphone, disait qu'elle avait trouvé du travail en Allemagne pour s'occuper des enfants et de la maison d'un monsieur de 52 ans - "un homme mûr et sérieux". J'ai compris en écoutant la suite que pour le moment elle ne faisait pas de plans sur la comète, "carpe diem", disait-elle, mais que pourquoi pas... Tu m'as comprise... Le summum de la réussite et de la fuite est pour certaines de ces personnes est de ne surtout point épouser un roumain, alors si l'occasion se présente, on ne va certainement pas la laisse pas passer comme un imbécile. Comme tu le vois, je suis très indiscrète mais elle parlait très fort et moi je dois faire des progrès en Roumain.

J'ai quand même dormi une bonne heure au cours de ce trajet en bus histoire de me ramener chez Francine dans un état à peu près présentable. N'ayant pour ainsi dire pas fermé l'œil au cour de ma courte nuit dans cette chambre d'hôtel 1ère classe (on se croirait dans un bunker), je te laisse imaginer l'état dans lequel je me trouvais. A l'aéroport de Munich, il y a bien un espace repos avec des grands transats et des banquettes mais ceux qui y sont installés ne paraissent pas du tout disposés à vous céder leur place. "J'y suis j'y reste", croyez-vous entendre, quand vous passez au milieu de tous ces allongés tel un spectre invisible...

Francine m'attendait à la gare des bus avec Pauline, une jeune psychologue venue un mois ici pour s'occuper des enfants du centre de placement. Elle n'a pas encore un travail à plein temps mais essaie de développer son activité de psychologue à travers une méthode thérapeutique utilisant les poneys. Nous avons rejoint la maison de Francine où nous attendaient les 6 scouts qui eux se mettent à la disposition du centre aéré installé dans l'une des écoles de Brad. Francine a donc fort à faire au niveau de l'intendance et je crois qu'elle préfère que je l'aide plutôt que de participer aux activités avec les enfants. Ce n'est pas plus mal car ce serait un peu trop fatiguant peut-être. Il a fait très chaud en Roumanie jusqu'à présent mais je crois bien que j'arrive au moment du rafraîchissement.

Il a plu ce matin et j'ai mis un jean et un pull. Les cigognes ne sont pas parties : j'en ai vu une sur son nid ce matin.

La lumière était belle hier soir lorsqu'elle coulait de sa douceur dorée sur les images de la Roumanie qui défilaient sous mes yeux tandis que le bus s'approchait de ma destination : colline verte, meules de foin, vieux vacher avec son bâton et ses dix bêtes à garder, les poules et les oies, les chiens sur la route, les pommiers, les poiriers les pruniers et les treilles, les gens à pied, les ruchers roulants multicolores, les maisons pas terminées, les bâtisses désaffectées.

Mais oui ton texte fonctionne.


Monique