Association Casa de Copii

Association Casa De Copii
Baziège

A Monsieur le Président
Accueil Remonter Reportages Votre soutien Contactez-nous Calendrier Plan du site

Le petit journal de Monique - Roumanie 2013
    4ème jour A travers la Roumanie
A Monsieur le Président
 
Demain nous partons. Nous devons aujourd'hui encore rencontrer  trois  familles. Francine doit leur remettre la somme mensuelle qu'elles reçoivent de l'association.

Je choisis de vous détailler la situation de Mr et Mme R. car en cette fin de séjour, je crois pouvoir dire que c'est celle qui m'a le plus retournée, voire révoltée, celle aussi qui inspire à mon avis le plus de réflexion sur le peu de cas que le gouvernement roumain semble porter à sa population indignement abandonnée.

La description détaillée de certaines tracasseries dont des personnes très malades et très pauvres doivent faire les frais, vous en dira long sur l'incurie de l'état roumain en matière de protection médico-sociale.

Car, je veux bien admettre que l'argent fasse cruellement défaut en haut lieu, (encore qu'il semblerait que la communauté européenne en ait dispensé énormément en faveur de la Roumanie pour résorber certains problèmes... Comment faire la lumière sur ce que cet argent est devenu ?) mais, que l'on complique à l'extrême un système déjà très insuffisant de manière à ce qu'il devienne inaccessible aux plus faibles me paraît criminel.

Alors, Monsieur le Président de La Roumanie, avez vous seulement une toute petite idée de ce cauchemar éveillé que je vais vous conter ?

L'immeuble à la façade lépreuse que nous abordons ne laisse rien présager de très joyeux... En bas, le jeune R., l'un des 3 enfants de la famille, est livré au monde des désœuvrés, proie facile de toutes les dérives puisqu'il est handicapé donc vulnérable...
 
Dans le hall, est affichée une liste des occupants de l'immeuble, et, surlignés au feutre vert fluo, ceux qui n'ont pas payé leurs charges.

(vous allez voir avec ce qui suit que l'on est pour la paix entre voisins en procédant de la sorte !).

Au nombre de ces charges le chauffage collectif... Le bruit court que cet hiver les blocs de la cité n'en recevront plus à cause des nombreux impayés...

(si vous circulez en Roumanie, vous verrez souvent à l'approche d'une ville, d'énormes tuyaux métalliques un peu cabossés cheminant le long de la chaussée, et enjambant parfois la route comme de gros serpents méchants : c'est de l'eau chaude qui arrive pour chauffer les immeubles... Ce système est très vieux, il date d'avant la révolution).

Chacun devra donc se débrouiller. Les plus avisés et surtout les moins pauvres ont déjà installé leur "soba",(poêle à bois en céramique), les autres s'apprêtent à grelotter (n'oubliez pas que l'hiver n'est pas une plaisanterie dans ce pays).
De la même manière, l'on peut voir que certains propriétaires isolent leur appartement par l'extérieur quand d'autres du même immeuble ne le font pas : cela fait une sorte de patchwork sur les murs (pas besoin d'architectes des bâtiment de Roumanie en ces endroits car je ne crois pas qu'on parvienne à en faire des chef d'œuvre). 
A noter que beaucoup de personnes mêmes très très pauvres sont propriétaires de leur appartement, mais que certaines risquent la saisie de cette seule possession, car elles n'ont pu depuis plusieurs années payer les taxes (système de taxes similaire au nôtres).

La famille R. fait évidemment partie des personnes qui s'apprêtent à grelotter... J'y viens, car nous voici arrivées au deuxième étage à la porte de l'enfer...

L'appartement, sans surprise, est petit. Une cuisine minuscule, et deux petites pièces abritent cinq personnes, un couple avec trois enfants dont deux sont handicapés (22 ans, 26 ans et environ 15 ans). 

Mme R. nous reçoit dans un séjour très pauvrement meublé... C'est une femme très maigre, visage usé, dentition malade, qui n'en peut plus de douleurs dorsales...Elle nous parle en chuchotant et va même fermer la fenêtre car elle a l'impression que les voisins vont écouter notre conversation (réalité ou traumatisme ancien d'un régime caduque ?). Mme R. n'a semble-t-il plus droit à une couverture sociale. Elle ne peut donc pas se soigner. Pourtant, elle est la tierce personne de son mari et perçoit à ce titre une petite allocation de 200 lei (45 euros).

A force de rencontrer des personnes qui  n'accèdent pas à leurs droits, je ne peux m'empêcher de penser que ce pays manque aussi cruellement de travailleurs sociaux pour les y aider... Il n'y en a pour ainsi dire pas, et ceux qui existent ont des missions très précises d'enquêteurs ou d'évaluateurs mais certainement pas d'aide à l'accès aux droits, du moins pas là où je suis passée...

Monsieur qui était à la cuisine en train de préparer des légumes avec sa fille handicapée nous rejoint. Privé de ses deux jambes, car il a été amputé à la suite d'un accident du travail, il souffre aussi d'un diabète très sévère et d'obésité. Il se trouve donc confiné dans cet appartement du 2ème étage...
Il a droit à une pension d'accidenté du travail dont je n'ai pas noté le montant, mais, qui vous vous en doutez est absolument insignifiante, et celui d'attendre une solution pour que son traitement pour le diabète puisse être renouvelé....
Voici 3 mois qu'il est sans médicament et que Francine, également diabétique, ayant décrété qu'elle n'avait pas besoin de celui qu'elle doit prendre en milieu de journée, partage généreusement son traitement avec lui. Pourquoi ? Je vais vous expliquer ce que l'on m'a relaté.

Pour renouveler un traitement pour le diabète, il faut d'abord trouver une assistante médicale (infirmière) qui accepte de se déplacer à domicile et avoir l'argent pour la payer... Elle vous prélèvera un peu de sang pour qu'une analyse soit faite en laboratoire (je ne sais pas si c'est gratuit). Une fois en possession des résultats il vous faudra ensuite programmer une visite chez le médecin (la visite qui n'est pas programmée n'est pas prise en charge) pour qu'il vous oriente vers un hôpital qui se trouve à une cinquantaine de kilomètres, seul lieu habilité à vous procurer le traitement contre le diabète...
Lorsque vous aurez satisfait à ces obligations et que vous aurez réuni la somme d'argent pour prendre le train ou le bus, vous prendrez la précaution de trouver un horaire (s'il existe) qui vous fasse arriver avant l'aube (on me parle de 5 heures du matin). Dans le cas contraire, vous risquez fort de ne pas être dans les 20 premiers patients qui attendront ce jour là, et d'être obligé de revenir le lendemain... Voici donc le parcours du combattant, alors qu'il existe quand même des dispensaires et une clinique sur place...

On cherche en vain une logique à ce genre de tracasseries. Il y en a d'autres et il y en a eu d'autres : Bouclette m'a ainsi raconté qu'il fut un temps pas très lointain, où si l'on avait besoin d'un traitement avant le 5 du mois, il était gratuit, au delà il ne l'était plus...

En attendant Monsieur R. n'est pas soigné. Il semble pourtant qu'il ait enfin satisfait aux trois premières étapes car son épouse a demandé à Francine un peu plus d'argent en vue du voyage jusqu'à l'hôpital de Deva.

Mais trois mois sont si vite passés. Représentez vous un soulagement fugace comme une étoile filante et de nouveau le compte à rebours jusqu'à la fin des trois mois suivants et de nouveau le casse-tête : vraiment idéal pour équilibrer un diabète ! Sans compter les plaies à soigner comme on peut, car je l'ai déjà dit, ici pas d'infirmière libérale à l'horizon.

Francine m'explique que de la même manière qu'en France, les hôpitaux locaux en Roumanie disparaissent. ... De nombreux médecins ont de plus quitté le pays pour se rendre à l'étranger ce qui crée une pénurie... Cela est vrai sauf qu'en France, l'on peut encore consulter un généraliste à proximité pour renouveler un traitement et qu'une personne dans l'état de Monsieur R. aura la chance d'obtenir un rendez-vous et un bon de transport s'il a besoin d'une consultation spécialisé.

N'oublions pas au milieu de tous ces problèmes le plus jeune garçon de la famille, qui, ouf, n'est pas handicapé et pourra suivre une scolarité normale. Francine attribue une aide mensuelle à la famille mais souhaiterait que Gaby puisse bénéficier d'un parrainage. Avis aux amateurs de générosité (on n'est pas obligé de donner 100 euros : plusieurs personnes peuvent parrainer le même jeune).

C'est épuisant de raconter des histoires pareilles. Je vous souhaite donc une bonne soirée et une bonne nuit. (Je ne crois pas que je vais envoyer cette lettre au président. En plus je n'ai pas son mail...)


Monique

    4ème jour A travers la Roumanie