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Sighetu, cimetière de la joie
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Le petit journal de Monique - Roumanie 2013
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Sighetu, cimetière de la joie.
 
Nous avons passé une bonne nuit chez Elliana qui a tout préparé pour notre petit déjeuner et s'en est allée accompagner sa mère à l'hôpital. Nous sortons prendre un café dans un bar de la ville où les serveuses sont vêtues d'une sorte de costume régional. Les prix des consommations au café et des repas prix dans les restaurants (qui proposent souvent des plats délicieux), font rêver. Tout à l'heure nous irons manger dans un endroit super chicos pour peut-être 6 euros par personne avec le vin. Il n'en est pas de même pour tous les postes budgétaires (vêtements, essence, énergie, médicaments) parfois moins intéressants qu'en France.

En ville même contraste entre les personnes toute vêtues de noir et foulard sur la tête, et les autres habillées d'une manière plus actuelle.
 
Nous nous dirigeons vers le mémorial du communisme où nous retrouvons Elliana à la caisse. J'y achète un petit livre qui s'appelle "du passé faisons table rase" et qui fait état de tout le système répressif communiste en Roumanie. Je ne peux pas ici reprendre toute l'histoire concernant toutes les sortes de persécutions dont fut victime un roumain sur 8 à partir de 1946 (sans compter ce qui précède et n'a pas non plus été facile pour les personnes vivant dans ce pays), ni l'absurde pourquoi de tout cela,  mais plutôt vous faire partager ce que j'ai pensé à l'issue de cette visite du mémorial pendant plus de 2 heures et peut-être aussi vous inviter si vous venez un jour dans ce pays à vous documenter sur cette période et à venir à Sighetu.

Je crois que c'est indispensable si l'on veut pénétrer un peu dans ce qui nous échappe de la société roumaine et nous comporter de la manière la plus adéquate possible avec les gens. Une personne sur 8 c'est beaucoup et cela a duré plus de quatre décennies même si le degré de l'horreur a pu varier d'une période à l'autre. Cela ne fait que 23 ans que tout cela est terminé, en tout cas les tortures, la prison pour des motifs politiques ou religieux, ou parce que l'on est un paysan moyen ou aisé, mais tout le reste?

J'émets l'hypothèse sans trop de risque de me tromper qu'au lendemain de la chute de Ceausescu, ces quatre décennies passées à souffrir, à se méfier, à avoir peur, à subir l'humiliation, continueront encore longtemps à hanter les esprits. Il y a sûrement aussi une difficulté à appréhender un monde qui évolue à une vitesse vertigineuse et qui oblige les gens à intégrer de nouvelles réalités sans leur donner le temps d'assimiler ce qu'ils viennent de vivre, (c'était hier pourtant), d'autant qu'à compter de cette chute du régime le capitalisme et "la liberté" sont arrivés charriant avec eux toutes les difficultés économiques et psychologiques qu'ils portent en eux mêmes.
C'est ainsi que certaines personnes affirment qu'elles regrettent le temps de Ceausescu (les gens avaient du travail et un toit).

Il y a je crois une sorte de séisme qui se produit dans ce cas là, une sorte d'injonction à fuir en avant et à ne pas se retourner. Certaines personnes roumaines ressentent d'ailleurs amèrement le fait que l'on ait parlé en long en large et en travers de la shoah, et que le sort funeste de milliers de roumains morts à cause de la folie du régime et de ses dirigeants, ou victimes de séquelles importantes de la vie dans les prisons, des tortures, des centres de rééducations, voire de la vie courante soit somme toute très peu mis en avant.
Ceci m'interroge beaucoup sur ce que peuvent ressentir les jeunes roumains nés après cette période ? Sont-ils en mesure de réaliser qu'ils sont les descendants de plusieurs générations qui ont vécu les plus jeunes années de leur vie dans un monde si totalement différents et il faut bien le dire sous un régime dictatorial de mépris de l'être humain? Comment fait-on pour se côtoyer dans ce contexte?
Après notre mai 1968, il y a eu entre nous et nos parents une grande fossé qui n'a pas toujours produit de la douceur à l'intérieur des familles. Ce que vivent les roumains c'est un bouleversement que l'on pourrait élever à une puissance énorme par rapport à cette petite révolution en occident.
Je ne sais pas quoi dire de plus. Tout n'est pas réglé au niveau du monde politique non plus. Des personnes qui ont bien trempé dans ce régime sont encore très près du pouvoir. Le peuple semble abandonné tandis que quelques personnes tirent leur épingle du jeu. Il faudrait vivre plus longtemps ici pour savoir exactement comment tout cela fonctionne, dans cette Roumanie kaléidoscope où chaque fois que l'on croit tenir un semblant d'explication, une autre question apparaît avec ou sans réponse.

Je m'arrêterai donc là à propos du mémorial pour vous emmener au cimetière de la joie après notre bon repas au restaurant chicos.

Pour y aller, nous passons devant un autre cimetière beaucoup moins joyeux puisqu'il s'agit de la fosse commune où les cadavres des prisonniers de la prison avaient alors été jetés sans que l'identité et la date de décès de la personne ne soit toujours répertoriée.

Le cimetière de la joie est l'idée d'un homme qui a consacré sa vie à ériger de jolies tombes pour chaque personne du village de Sapinta et à écrire pour chacune d'elle une épitaphe en vers, souvent un peu humoristique, caractérisant au mieux le caractère et la vie du disparu.
Nous visitons également un magnifique monastère.

La journée dehors est terminée et nous repassons une soirée chez Eliana jusqu'au lendemain matin.

A bientôt.

Aujourd'hui c'est une sorte de jour de congé pour moi d'où toute cette production. PUPA DULCE


Monique

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