C'est dimanche, le voyage à travers la Roumanie
n'est pas terminé mais je fais un petit arrêt sur image pour vous
envoyer un peu de direct... Qui n'est déjà plus du direct ! Diable ! je
suis débordée....
Hier j'ai passé la journée à la casa de copii
(centre de placement pour les enfants). Je sais qu'il y en a au moins un
parmi vous qui s'impatiente de savoir ce que je fabrique en Roumanie à
part me promener... Je suis sûre qu'il se reconnaîtra...
Jusqu'à
présent je n'avais eu de contact avec cet établissement qu'à travers
plusieurs rencontres avec Domna Chef Lili (ainsi nommée par le
personnel). Francine apporte un soutien matériel important à ce centre
puisque les crédits alloués par l'état ne couvrent pas les besoins
élémentaires (en cette rentrée une aide financière est apportée par
l'association de Francine pour le matériel scolaire mais aussi pour des
frais indirects liés à cette rentrée (cartouche d'imprimante par
exemple), c'est la mouise totale!
Francine a pensé qu'il était
utile que j'intervienne de préférence ce samedi, pour palier un peu au
manque de personnel le week-end. J'ai rencontré les plus grands ce
matin. Il n'étaient que six car certains étaient dans leur famille ou en
famille d'accueil pendant le week-end. Comme le temps passe vite, et que
je n'aurai pas le temps de refaire des activités avec eux une autre
fois, j'ai proposé la confection de gâteaux.
J'ai préalablement
demandé à doamna Lili si elle était d'accord : l'activité lui semblait
adéquate à condition que je fournisse les ingrédients et apporte les
moules à gâteau. Il n'existe en effet aucune possibilité de crédit pour
développer ce type d'animation alors qu'il existe dans chaque module une
petite cuisine qui pourrait le permettre. (en ce moment le centre est en
rupture de farine comme il l'est en confiture et l'a été en pommes de
terre jusqu'à ce que Francine en apporte).
Les personnes qui
interviennent auprès des enfants doivent donc proposer des activités qui
ne requièrent aucun moyen matériel. C'est certainement difficile pour
les éducateurs, mais aussi frustrant pour les enfants surtout lorsque
ceux-ci sont adolescents avec des aspirations identiques à tous les
adolescents de cette planète (la télévision et les médias sévissent ici
comme ailleurs. Les enfants du centre approchent d'autres enfants mieux
lotis affectivement et matériellement, à l'école par exemple).
Les personnes qui s'occupent d'eux font pour le mieux mais l'on peut
imaginer qu'elles puissent certains jours ressentir un certain
épuisement à venir travailler avec pour tout bagage leur seul potentiel
imaginatif pour créer des activités stimulantes et constructives... Cela
requiert beaucoup d'amour et beaucoup de foi en sa mission, beaucoup
plus qu'avec les supports matériels dont nous disposons dans nos pays
plus favorisés.
Ne laissons pas non plus de côté le fait que ces
intervenants ont probablement leur propres difficultés quotidiennes (à
certains moments de la journée les enfants sont pris en charge par des
dames de service dont le salaire est très faible 700 lei = 170 euros ,
celui des "éducateurs" n'est pas non plus mirobolant ni même
certainement celui de doamna chef) ce qui peut rendre la tâche encore
plus épuisante moralement.
Qu'à cela ne tienne le centre de
placement est un navire qui essuie le mauvais temps courageusement. La
route est longue encore mais de grands progrès ont été réalisés ...
C'est bien ce qu'il faut retenir, et si le centre a bien besoin de notre
soutien matériel, il faut le prodiguer en encourageant les personnes qui
sont là quotidiennement, plutôt que de toujours mettre en exergue les
points qu'il faudrait améliorer ou ce qui ne va pas vraiment bien. C'est
loin d'être parfait chez nous, même avec toutes les facilités dont nous
disposons, et certains français ont peut-être tendance à l'oublier quand
ils viennent voir ce qui se passe ici. Je dis cela car doamna Francine
m'a averti que notre présence n'était pas toujours bien vécue par le
personnel roumain du fait du regard critique qui est parfois posé sur le
travail effectué.
Nous avons donc ensemble confectionné des
gâteaux. L'activité était très attendue par ces adolescents et le plus
difficile un garçon de 16 ans, qui apparemment donne beaucoup de fil à
retordre, a largement participé. J'étais également accompagnée de
Elliana, l'éducatrice nouvellement recrutée grâce au fond de
l'association de Francine, et par Mirella, l'assistante sociale.
Nous avons utilisé la petite cuisine qui se trouve dans l'espace de
vie du groupe des grands mais au moment de mettre le gâteau au four nous
nous sommes aperçus que ce dernier ne fonctionnait pas. Heureusement la
cuisinière a accepté de faire cuire dans le four de sa cuisine. La
dégustation a également été un grand moment où le plaisir de partager un
gâteau au yaourt à la banane et aux raisins secs nous a traversé tous et
toutes comme un faisceau de lumière... C'est peut-être çà qui est à
souligner. Ici l'on est peut-être moins blasé qu'ailleurs : on n'a pas
grand chose quand ce n'est pas moins que rien, et quand un petit plus
vient illuminer la journée, celle là prend un air de fête et les yeux un
peu éteints reçoivent un éclat de joie . Un beau moment vraiment... Un
moment où ce que l'on donne est largement payé par ce que l'on reçoit.
Ce n'est qu'une goutte d'eau qui ne gommera pas les problèmes
quotidiens mais c'est toujours ça de pris, non ? Heureusement Francine
reçoit toute l'année de la jeunesse en stage et les enfants bénéficient
assez régulièrement de ce renfort, de ce réconfort, espérons-le. Pour
réussir ce travail sans commettre d'impair, il est grandement
nécessaire, me semble-t-il de faire preuve de délicatesse envers les
personnes qui sont au quotidien aux côtés des enfants. Elles ont une
histoire avec eux et il peut y avoir entre elles et nous un échange très
fructueux.
Je passai l'après midi avec les petitous et leur
éducatrice Marietta. Cette dernière m'a semblé avoir une authentique
relation avec ces 10 enfants si tôt abîmés par la vie et âgés de 4 à 8
ans. Il pleuvait fort dehors. Nous avons dessiné et fait du pliage... En
fin d'après midi je me suis rappelée que j'avais amené des Cd, dont un
de vieilles comptines roumaines trouvé sur internet. C'était je pense
une bonne idée : les comptines étaient apparemment très connues et tout
le monde s'est mis à chanter et à danser (y compris Marietta qui avait
l'air toute contente comme une petite fille et a largement participé à
cette petite fête improvisée)... Je crois même avoir décelé un talent
musical chez un petit garçon certainement d'origine tzigane qui s'est
mis à chanter très bien, à faire de la percussion avec ses mains, et à
faire comme s'il jouait du violon... Les quelques enfants qui au début
ne s'étaient pas montrés d'accord pour éteindre la TV, plus d'autres, se
sont vite groupés autour de ce super soliste pour mêler leurs voix à la
sienne... J'en ai parlé à Francine. Si seulement ce gosse pouvait
intégrer un cours de musique... Je suis sûre qu'il ferait des
merveilles.
J'ai laissé le CD et quelque livres de contes aux
enfants. Il faut bien se quitter maintenant. Ce moment qui je le crois a
été agréable pour eux comme il l'a été pour moi, s'ajoutera j'espère à
ceux qui lui ont précédé et à ceux nombreux qui vont suivre.
Monique |