Le carmel se trouve à 900 mètres d'altitude et
est entouré d'une dense forêt. Une longue clôture de bois qu'il faut
constamment entretenir à cause des intempéries, délimite son enceinte le
long d'une piste empruntée seulement par des camions de forestiers.
Malheur à celui qui oserait s'aventurer plus haut : il y a réellement
des ours et des loups tout près. Mère Eliane nous racontera qu'un jour
elle a retrouvé la clôture toute défoncée : des ours en quête des
fourmis qui se trouvaient dans le sol étaient l'auteur de ces méfaits.
Un autre jour elle eut le privilège de photographier un ourson venu
s'abreuver à la rivière qui délimite la longueur opposée de cette
propriété... Un hiver, des loups ont traversé cette rivière gelée pour
venir dépecer une biche qui se trouvait à l'intérieur du carmel. Brr
toutes ces histoires sont bien excitantes mais peut-être vaut-il mieux
les écouter que de subir le sort de cette pauvre biche ou de ces pauvres
fourmis.
Mère Eliane, une française gréco-catholique est la
fondatrice de ce carmel prévu pour recevoir de nombreuses novices. A ce
jour, son projet de communauté n'a pu se réaliser car les novices qui
sont venues passer là quelques temps, ne sont pas restées. Le climat est
très rigoureux et le travail d'entretien des lieux certainement très
dur, ce qui peut-être les en a dissuadées.
Mère Eliane vit donc
seule en cet endroit. Le prêtre gréco-catholique qui a son domicile
encore un peu plus loin dans la forêt lui vient heureusement en aide
pour les travaux les plus physiques (le bois par exemple). Elle
nous accueille avec chaleur. C'est une personne au visage agréable qui
nous entretient avec intelligence de nombreux sujets. Elle est souvent
occupée à faire des traductions d'ouvrages en Français et me paraît être
un puits de culture. Elle organise chaque année un grand séminaire sur
un point particulier et invite à cette occasion des conférenciers de
haut niveau.
Elle nous indique que nous serons hébergées dans un
petit chalet un peu plus loin et qu'une dame roumaine et son petit
garçon y occupent le rez-de-chaussée pendant quelques jours. Pour le
repas du soir, elle nous préparera une collation légère car c'est
vendredi et si j'ai bien compris, c'est pour une carmélite jour de
pénitence et de jeûne. (en définitive, nous avons eu largement de quoi
nous rassasier, de la soupe et des pâtes; je m'étais préparée pour de
l'eau et du pain sec alors ça m'a paru carrément royal!) Nous
voici donc installées au couvent et prêtes à assister aux vêpres (voyez
comme je me fonds bien dans tous les paysages comme un vrai caméléon).
Le culte gréco-catholique est vraiment très surprenant et, me dit
Francine, ne se différencie guère de la liturgie orthodoxe bien que
rattaché à Rome. Certains prêtres gréco-catholique sont mariés à
condition de ne pas avoir fait vœu de célibat avant d'être ordonnés.
Ceux qui ont fait vœu de célibat avant cette ordination ne pourront donc
plus convoler en juste noce par la suite. Cela paraît compliqué et
bizarre mais c'est ainsi. Nous avons passé une bonne nuit au
carmel mais nous nous levons dès potron-minet pour assister à la messe
de 6 heures 45. C'est ensuite le moment du petit-déjeuner... Une envie
un peu pressante me fait quitter la table pour me rendre dans la petite
cabane avec une planche percée d'un trou, mais, lorsque je reviens mon
bol de café a disparu et tout le monde fait la vaisselle... Aïe aïe aïe,
je reprendrais bien une goutte de café... Tout le monde me regarde avec
des yeux effarés... surtout Bénédicte, une dame qui vient depuis
plusieurs année aider sœur Eliane dans les travaux d'entretien du Carmel
: elle me fait carrément les gros yeux!
La vie au couvent, il
faut s'y faire, croyez moi !
Francine me conseille donc d'aller
m'en préparer dans notre petit chalet (car elle connaît la musique et a
pris la précaution d'en apporter pour qu'on puisse avoir du supplément).
Avant de pouvoir m'octroyer ce petit plaisir en douce, j'épluche
quelques légumes que la mère Eliane m'apporte avant de disparaître dans
la zone interdite... Mystère...
C'est autour de la confection
d'un café Turc (car il n'y a là ni filtre ni cafetière) que je
sympathise avec Liliana la jeune veuve roumaine venue passer quelques
jours ici avec son petit garçon de 10 ans.
Monique
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