Association Casa de Copii

Association Casa De Copii
Baziège

La santé
Accueil Remonter Reportages Votre soutien Contactez-nous Calendrier Plan du site

Le petit journal de Monique - Roumanie 2013
    La rentrée La terrasse
La santé.
 
Dumnezeu và ajutà et sanatate (santé), on entend ça toute la journée.... Sanatate, Félicité semble encore en jouir à part celle des dents qui est bien compromise et sans remède, et il y a cette espèce de gaité qu'elle affiche (peut-être une force intérieure extraordinaire ou alors une grande dureté envers elle-même)... Félicité a environ 45 ans et elle a été élevée en orphelinat. La souffrance et les privations sont sans doute pour elle une vieille habitude... Ce premier contact avec la grande misère fut pour moi difficile mais je devais découvrir bien pire...

Pire dans cette précarité extrême, c'est bien quand la santé vous lâche... Je vous ai raconté à travers l'exemple de Corina qu'une situation acceptable pour la Roumanie peut devenir très critique au moindre pépin de santé, alors, vous imaginez bien que cela devient de la haute voltige pour se soigner et survivre, quand on devient malade et que l'on est au départ dans une situation à l'extrême limite du supportable...

Mais laissons cela un moment. Je vous entraîne dans l'une des folles journées de Francine.

A deux jours du départ pour la ballade en Roumanie, nous attaquons le programme qu'elle a établi. De bon matin, nous avons rendez-vous (dans la rue, on dirait des trafiquants) avec la comptable de la fondation spéranta qui nous remet les documents pour payer les charges des deux salariées du centre de placement qui sont financés par l'association. (L'une de ces deux personnes a démissionné, il faudra donc en recruter une autre). Nous allons payer les charges à la trésorerie avec de l'argent liquide car il n'y a pas d'autres moyens. Puis munies d'une carte spéciale, nous allons créditer à l'aide d'un automate le compte d'une jeune étudiante qui bénéficie d'un parrainage (100 euros par mois).

Nous nous rendons ensuite chez une prof de math à la retraite qui a donné des cours de soutien à des jeunes qui avaient des examens à passer ou à repasser. C'est l'association qui s'est engagée à payer ces cours et c'est une nouvelle occasion pour Francine de se délester de quelques billets. Nous restons un moment chez cette dame pour parler de ses élèves et de leurs performances en math, et d'autres sujets autour d'un café, gourmand... dirons nous... Elle nous indique le nom d'une personne qui pourrait convenir pour remplacer celle qui a démissionné. Nous prenons congé. J'ai déjà fourni un sacré effort pour capter ce qui s'est dit, encore qu'avec les enseignants ce soit moins difficile qu'avec d'autres personnes... Ils ont en général une bonne diction et parlent un roumain académique.
 
Cap maintenant vers la maison des A.

Maison est un bien grand mot pour décrire cette masure en pleine pampa. Dehors beaucoup de bric à brac mais quand même quelques fleurs dans des pots... Un peu de délicatesse et de beauté pour tirer un pâle sourire à cette désolation... Terre, boue et neige en hiver. Mme A. avance vers nous (Francine avertit toujours de son passage : les gens ont des portables). C'est une femme encore jeune et non dénuée de charme, si l'on passe vite sur ses problèmes dentaires.... Elle nous fait entrer.

Deux petites pièces pour abriter le père, la mère, leur trois enfants Ionut, Florin, Anna  de 13 15 et 17 ans, le grand-père et la grand-mère (bunico et bunica), donc sept personnes.
Nous nous asseyons tant bien que mal. Ici aussi le mobilier est très sommaire pour ne pas dire inexistant. Il n'y a quasiment aucun rangement de sorte que les vêtements sont suspendus un peu n'importe comment autour de la pièce. On a beaucoup de difficultés à se représenter l'installation nocturne dans un espace aussi restreint quand on aperçoit au plus un possible couchage... Pas de point d'eau, pas de sanitaires, c'est bien évident.

Dumnezeu et ses représentants sont bien là pour veiller sur ce dénuement.

Voici l'histoire. Monsieur A. était aide-vétérinaire mais n'a pu conserver son emploi à cause d'un grave problème cardiaque pour lequel il est probablement mal soigné. Aujourd'hui, Monsieur A. qui ne peut plus travailler, n'a pu faire valoir aucun droit à une pension après 24 ans de travail salarié parce qu'il n'avait pas l'argent qu'il fallait donner au médecin chargé de présenter son dossier en commission( bakchich très certainement). Mme A a travaillé 10 mois dans un restaurant, durée insuffisante pour bénéficier d'un allocation chômage (il faut 12 mois). Cette famille a quand même la joie de recevoir son dû en allocations familiales (120 lei soit même pas 30 euros) mais pas les bourses ni l'aide pour le transport scolaire, on ne sait pas trop pourquoi (une enquête sociale qui n'a pas été effectuée : bravo l'assistante sociale!). La pension de bunico et bunica est d'un montant ridicule... Il y a donc putsin putsin...

Heureusement, la famille peut se nourrir grâce au système autarcique qu'elle a mis en place : un jardin, des poules deux porcs par an, deux vaches (du lait et un peu de fromage sont vendus à des voisins et deux veaux : 2000 lei par an). Cela implique beaucoup de travail pour tous les membres de la famille, y compris les enfants, étant donné les capacités d'effort réduites de monsieur. Bunico est sans doute lui aussi exclu de ces tâches car il souffre de séquelles pulmonaires graves du travail qu'il exerçait à la mine de charbon.

La jeune Anna 17 ans, vient d'entrer dans la pièce. Elle est magnifique et impeccablement mise dans des vêtements à la mode, contraste criant avec ceux, pauvres, usés, et sans recherche que porte sa maman. J'ai la joie de pouvoir entamer une conversation avec cette jeune personne qui me dit souhaiter poursuivre ses études et s'en aller à l'université. Elle montre très fière ses résultats scolaires à Francine et me donne quelques renseignements sur le coût de la scolarité :

Transport scolaire : 100 lei par mois (peut être supérieur si l'on a plusieurs bus à prendre). L'aide non versée serait de 42 lei par mois.
Bourse : 60 lei par trimestre par enfant mais pas pour le troisième enfant.
Livres : gratuits à l'école primaire mais pas au lycée (environ 50 lei par livre).

Francine intervient donc dans cette famille pour permettre le bon déroulement de la scolarité des enfants  en leur allouant une aide mensuelle.

Et pour terminer voici quelques nouvelles connaissances sur les us et coutumes en Roumanie glanées au fil de la conversation. C'est ainsi que j'apprends que les morts sont ensevelis dans les chapelles orthodoxes du fait du manque de place dans les maisons et de l'absence de funérarium, que ce service est payant et que, dans la même chapelle sont parfois alignés plusieurs de ces défunts... (parfois une dizaine!), ce que tout le monde trouve indécent sans qu'il n'existe d'autres alternatives. Que l'on peut garder son mort dans son appartement quand on habite dans un bloc mais seulement si on est au rez-de-chaussée, sinon c'est interdit...
Tout cela parce qu'un voisin de la famille A. est décédé et que Mme a eu envie de nous parler de cette complication de plus en Roumanie. Elle peut donc encore évoquer d'autres problèmes que ceux qui la concernent directement en ce moment... C'est bon signe, non ?

La journée folle de Francine est loin de se terminer sur cette visite dans la famille A., mais moi, je suis fatiguée d'écrire.

Noapte bun.


Monique
    La rentrée La terrasse