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Le petit journal de Monique - Roumanie 2013 |
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Dans le vif du sujet |
Iliana |
Georges, notre curé. |
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Une petite brochette de Français et de
Françaises traverse le joli jardin de curé fleuri de roses odorantes de
toutes les couleurs... D'un côté de ce paradis terrestre, la maison du
presbytère, de l'autre la petite église romano-catholique de Brad. Si
vous passez dans la rue devant cet endroit plein de charme, n'oubliez
pas de vous signer, c'est ce que font les gens d'ici, et tout à l'heure,
un cycliste confit en dévotion, a bien failli se rompre le cou en
lâchant son guidon pour exécuter le signe de croix... et déclencher mon
hilarité. Que Dieu me pardonne...
Tout ce petit monde a décidé
hier soir d'accompagner Francine et Bouclette à cette messe du samedi
matin et s'installe au second rang... En attendant la venue de Monsieur
le curé, les fidèles récitent en boucle des "je vous salue Marie" et des
"notre père."... J'ai appris ces deux prières en Roumain : cela paraît
plus joli qu'en français, plus musical peut-être... Je me livre au même
exercice spirituel plutôt que de laisser divaguer ma pensée n'importe
comment : prier sert entre autre à çà peut-être ? Je me pose la
question. Je suis à côté de Bouclette car c'est elle qui entonne les
chants de sa voix cristalline quand il n'y a pas l'orgue et la chorale,
et quand je peux, j'aime bien chanter avec elle.
Monsieur le curé
fait son apparition en jogging accompagné d'un bon petit paquet
d'enfants de chœur également en vêtements civils (Luminitza 19 ans, la
fille de l'organiste et son petit frère haut comme trois pommes avec une
tête toute ronde, un jeune d'une vingtaine d'années et un petit garçon
d'une dizaine d'années). Ils vont rejoindre la sacristie en toute
décontraction (avant et après la messe, il n'est pas rare de les
entendre rigoler avec Georges, le prêtre, tandis qu'ils se préparent :
pendant le service c'est sérieux encore que très souriant, vous allez le
voir).
Georges entre pour célébrer la messe de ce matin en 3
langues... Enfin, il évite la prédication en Français car cela serait
peut-être un peu trop comique... Il ne doit pas être en contact avec
le Français depuis très longtemps, mais il ose, et c'est absolument
désopilant de l'écouter s'exprimer parfois très longuement dans une
langue de Racine où environ un mot sur deux est inventé.... La
prédication est donc dite en Hongrois puis en Roumain... Georges est
très théâtral et captive l'assistance par ses réflexions sur les travers
de notre société et les efforts que nous devrions faire pour ne pas nous
laisser tirer vers le bas... Enfin, je simplifie sans doute son propos,
mais est-ce que çà ne revient pas en gros toujours à cette même chose ?
Le petit enfant de chœur haut comme trois pommes est toujours aussi
facétieux... Son menton arrive juste à la hauteur de l'autel. Il l'y
pose, et l'on ne voit dépasser que sa tête ronde tandis que les autres
servants retiennent leur fou-rire.
La messe est terminée. On va
tous boire le café chez Monsieur le Curé et doamna Anna, sa maman, venue
vivre avec lui à la paroisse.
Georges nous installe autour de la
grande table de la salle à manger avec du café et des petits trucs à
grignoter... et nous fait l'honneur d'une sorte de conférence à bâton
rompu (en Français justement) sur toutes sortes de sujets roumain issus
ou non de sa biographie. Nous ne disposions que d'une demi-heure pour
ce café et nous sommes restés là près de 2 heures tellement tout le
monde était captivé... Il y a même une dame de Machecoul qui une fois
dehors, n'a pas caché que si elle devait se confesser ce serait à
Georges, et seulement à Georges.
Je vais essayer de vous faire
partager ce moment le plus fidèlement possible avec en moins,
évidemment, le charme que confère l'expression naïve et imparfaite dans
une langue étrangère mal maîtrisée : vous ferez donc un effort, pour
d'abord mettre mes phrases en style direct, en prenant soin d'inventer
un mot sur deux, et de rouler un peu les R... et peut-être allez-vous
craquer si vous avez suffisamment d'imagination.
(Je suppose que
j'ai beaucoup de charme moi aussi quand je m'exprime en roumain... Un
soir de fête bien arrosée, je disais à un ami anglais que mon accent
était horrible et que je faisais encore beaucoup d'erreurs. Il m'avait
répondu : "surtout ne change rien, je t'en prie...". Bon d'accord, il
avait bu un bon petit coup mais quand même : pourquoi chercher la
perfection ?).
Georges est un jeune homme de 32 ans qui a quitté
la ville de Brasov où je crois, il n'était que vicaire, pour devenir le
curé de Brad. Comme je l'ai déjà évoqué, Brad est une toute petite
paroisse qui ne procure que de très pauvres revenus... Je ne vous en dis
pas plus, laissons le s'exprimer :
Introduction à la vie en
Roumanie : "on a besoin du pays pour exister, mais ce dernier ne vous
donne rien". Ca commence bien... Georges vient de nous raconter l'épopée
qu'il traversa lorsqu'il eut à confier sa vie à un chirurgien dans un
hôpital de Brasov... Sanatate encore et toujours....Il souffrait
d'obésité et pour ne pas mourir n'eut d'autre choix que de se faire
enlever une partie de l'estomac... pour la modeste somme de 5000
euros à sa charge... (la sécurité sociale n'aurait remboursé que la
valeur de la moitié des "frais d'hôtellerie"). Le chirurgien, pour
je ne sais quelle obscure raison, questionna Georges au cours d'un
entretien sur le type de voiture dont il était propriétaire... une sorte
d'évaluation du patrimoine en quelque sorte...
Georges fait un
aparté pour nous expliquer qu'il a une voiture correcte qui lui permet
de travailler (il a plusieurs églises et des distances à parcourir) et
de se rendre en Allemagne pendant ses congés d'été. (Il en revient
justement). Non, il n'y a pas que les femmes de ménage, les travailleurs
agricoles ou les aides à la personne qui améliorent leur ordinaire en
Europe occidentale : les prêtres aussi font des remplacements de prêtres
dans les paroisses de l'ouest. On y gagne 600 euros au lieu de 200 en
Roumanie, et cela permettra cet hiver de ne pas mourir de froid (le
petit plus pour payer le bois).
Une fois qu'on a réussi à réunir
la petite fortune requise pour bénéficier de soins de première urgence
(grâce à une souscription, dans le cas de Georges), il faut quand même
que la famille prévoit de fournir, les seringues, le linge, les gants,
et que sais-je encore..." Les médecins doivent se débrouiller avec rien.
Certains d'entre eux en conçoivent une certaine honte", nous confie
Georges. Pourtant, nous dit-il, les charges sociales prélevées sur les
salaires sont conséquentes. Et il va falloir de nouveau se livrer à
l'exercice périlleux qui consiste à trouver des sous, beaucoup de sous
(3000 euros) pour une seconde intervention chirurgicale à prévoir
prochainement.
Nous espérons pour Georges que le stress n'a
aucune incidence sur la réussite des différentes opérations qu'il doit
subir pour conserver un peu de santé...
Georges se définit en
plaisantant comme un prêtre bio... éleveur de poules et de légumes pour
braver la rigueur des temps roumains. Il ne s'agit en aucun cas d'un
caprice de bobo, mais bel et bien d'un travail à réussir absolument pour
ne pas sombrer dans une plus grande misère. Ce travail s'il coûte, n'est
cependant pas nécessairement effectué dans le déplaisir. Beaucoup de
personnes roumaines sont encore très proches des activités de la
campagne, et ont conservé un savoir-faire dont elles sont généralement
fières, ce qui parait bien légitime... quand Georges explique le drame
de certains de ses compatriotes...
...Qui ont cédé, (selon ses
propres termes) à "la grande guerre de l'orgueil imbécile". Qu'est-ce
donc que ce nouveau concept original ?
Il s'agit de cet orgueil
qui se traduit par un désir d'étaler des signes extérieurs de richesse,
quand en réalité on est dans la misère... Celui de travailler à
l'étranger, et de revenir obligatoirement au volant d'une BMW pour ne
pas perdre la face... Celui qui pousse à contracter un emprunt pour
aller aux sports d'hiver, quitte à ne rien avoir à manger tout le reste
de l'année. Selon Georges ce comportement est une conséquence
psychologique des privations connues sous le régime communiste. Pour
une part sans doute, mais peut-être qu'aussi, l'ouverture au capitalisme
et ce qu'il génère perturbe les esprits ? Ces manifestations de la
convoitise et de l'envie humaine ne me paraissent pas spécifiquement
roumaines mais sont effectivement assez nouvelles en Roumanie.
Cela nous conduit naturellement sur le terrain de l'éducation des
enfants dans ce monde en plein changement. Les parents veulent désormais
tout donner à leurs enfants leur offrant une vision virtuelle d'une vie
sans frustration. Les enfants ne savent pas que leur parents se sont
endettés pour obtenir des biens matériels. Ainsi éduqués, ils ne
comprendront pas qu'il sera nécessaire de travailler et de lutter dans
l'épreuve lorsqu'ils seront adultes... Cet argumentation vous paraît
peut-être exacte mais pas très originale puisque ce genre de constat est
établi dans nos pays depuis au moins 30 ans. Ici, le phénomène décrit
est récent et creuse un fossé énorme entre les personnes qui vivent
encore plus ou moins en autarcie, et les gens pressés de devenir très
modernes... voire plus modernes que modernes...
Georges a
également consacré un moment important pour nous parler des relations
entre les différentes religions aujourd'hui et sous le régime communiste
mais je ne choisis pas de vous parler maintenant de ce sujet compliqué,
en deux trois lignes. Quelqu'un parmi nous lui a demandé s'il
entretenait des relations de travail avec son homologue orthodoxe dont
l'église se trouve à quelques foulées de la sienne. Bonjour, bonsoir...
répond Georges. Les popes ne seraient pas, selon lui, incités à
développer des relations œcuméniques avec les catholiques. Il y a bien
sûr une histoire très pénible derrière tout cela et des plaies loin
d'être cicatrisées (je crois en avoir déjà parlé un petit peu)....
Oh là là, il est presque 14 heures et nous avons rendez-vous dans
une demi-heure à la terrasse avec Antonio et Paul... Il faut se dépêcher
même si tout cela est passionnant.
Au revoir Monsieur le Curé et
doamna Anna, merci pour votre accueil et ce nouvel éclairage sur votre
beau pays...
A vous tous, je donne rendez-vous sur la
terrasse....
Monique
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