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Le petit journal de Monique - Roumanie 2013
    Col de Prislop Georges, notre curé
Dans le vif du sujet.
 
A Mosset, je marchais donc aujourd'hui sur un sentier, maraudant des figues sauvages et laissant mon esprit divaguer. Je réfléchissais en fait, au sens qu'il fallait donner à ce mois passé en Roumanie, au pourquoi et au comment à part le fait que c'est extrêmement enrichissant pour soi-même d'être embarquée dans une telle aventure... Car après ce grand tour que nous avons fait, ma mission a surtout consisté à accompagner Francine dans son travail quotidien, et à prendre connaissance de toutes les situations extrêmes qu'elle doit essayer de soulager... A communiquer avec les gens et avec elle, également.

Je me suis donc dit que, puisqu'au fond je n'avais pas donné grand chose sauf indirectement, la suite de ce récit consisterait à rendre hommage au travail de Francine à travers le quotidien que j'ai partagé avec elle et Bouclette pendant un mois.

C'était le second jour de mon arrivée. Le matin nous avions visionné les cassettes à propos de l'orphelinat  mais je vous en ai déjà parlé. L'après-midi, comme c'était dimanche, nous nous sommes rendues chez Félicité car paraît-il qu'on va toujours chez elle le dimanche... Elle travaille, et les orthodoxes ne travaillent jamais jamais le jour du seigneur. Ils font même à manger le samedi pour ne vraiment rien rien avoir à faire le lendemain...

Nous faisons trois bons kilomètres sur une toute petite route qui monte et stationnons devant une masure au toit plus qu'aléatoire (ça tient par miracle et c'est tout troué). En pleine cambrousse pas bien loin de la forêt... Félicité s'avance à notre rencontre. Elle est souriante ce qui permet de constater comme je le ferai presqu'à chaque nouvelle rencontre avec les protégés de Francine, que cette femme encore jeune a une dentition en très mauvais état, premier signe visible de précarité extrême et de défaut de soins.

Félicité nous fait entrer dans son palace... A vrai dire une seule pièce qu'elle partage avec son nouveau compagnon, sa dernière fille qui a neuf ans, et sa belle mère, (la demeure appartient à cette dernière et Félicité prend des airs de conspirateurs quand elle parle d'elle, car la vieille femme tout en noir est assise sur un banc avec la voisine et pourrait entendre). Une seule pièce donc, et ne cherchez ni la salle d'eau ni les toilettes, il n'y en a pas... Il faut certainement aller dehors à un point d'eau pour satisfaire d'éventuels besoins humains. Les meubles ? Une plaque de gaz à deux feux offerte par un curé, une cuisinière à bois d'un autre âge, une table, deux chaises, un lit (je ne sais pas où l'on dort ni comment dans cette maison offerte à la pluie). Et puis le calendrier orthodoxe avec toutes ces fêtes sans travail que nous n'avons pas... Et Jésus, Marie, Joseph...

Et dire que tout cela c'est du luxe pour Félicité après tout ce qu'elle a traversé... D'abord, une demeure à l'orée de la forêt qui devenait dangereuse à cause des loups qui s'en approchaient, sans parler du précédent compagnon qui la battait sans mesure... Félicité a dû fuir cette situation avec sa fille et a paraît-il été un moment hébergé dans un endroit bien pire que celui que j'ai tenté de vous décrire.

Félicité travaille dans les bois avec son compagnon, je pense pour des travaux de bûcheronnage mais, hélas il n'y a en ce moment de l'ouvrage que trois jours par semaine. De toute façon, le salaire pour ce travail pourtant très dur est dérisoire... La grand mère a une pension de 400 lei par mois (90 euros grosso modo). L'allocation pour la petite n'est plus versée de puis plus d'un an (pourquoi ? Mystère, et ça ne sera pas la dernière fois que j'entendrai les gens ou les institutions se plaindre de ne pas avoir leur dû. L'allocation pour un enfant est de 40 lei soit 9 euros par mois).

L'association de Francine intervient donc financièrement chaque mois dans cette famille afin que Ioanna puisse aller à l'école dans des conditions décentes (acheter le matériel scolaire, avoir de quoi emmener un sandwich, on en est là, vraiment...). Francine tient également beaucoup au travail de lien et de suivi de ces familles qu'elle soutient. Nous restons près d'une heure chez Félicité qui décrit sa misère avec une allégresse incompréhensible et s'offre le luxe de rêver aux travaux qu'elle voudrait faire pour améliorer son ordinaire...

Bientôt ce sera la rentrée... Ioanna prendra le chemin de l'école. Elle fera trois bons kilomètres à pied dans la neige et dans le froid, l'estomac pas toujours bien rempli les jours d'infortunes, pour atteindre l'arrêt du microbus... Alors, parce que faire ses devoirs à la maison dans un tel contexte relèverait d'une performance surhumaine, l'association de Francine financera aussi pour elle, comme pour de nombreux autres enfants, la meditatzie (pas de méditation, c'est du soutien scolaire).

J'espère ne pas vous avoir traumatisés (sinon il est temps de cesser de me lire car ce qui suivra n'est pas plus guilleret). Oui, nous sommes en Europe et ce n'est pas un cas isolé... Et tiens, pourtant, ces gens ne sont pas des feignants... Ils s'usent même la santé à bosser sans pouvoir se mettre au sec et manger correctement quand il rentrent chez eux...Il y a vraiment quelque chose qui cloche là dedans.

Monique
    Col de Prislop Georges, notre curé