Association Casa de Copii

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Baziège

La page de Fanny 2010
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Fanny

 
Lorsque j’ai annoncé à mon entourage que je partais en Roumanie pendant deux mois, rares sont ceux qui ont compris ma démarche. Certains m’ont même dit : « Oh moi, la Roumanie jamais !! Je te laisse ma place ».
Eh bien, c’est à tous ceux qui « m’ont laissé leur place » - et je les en remercie au passage - que ce rapport s’adresse. Car la Roumanie ne mérite pas la mauvaise publicité dont elle fait constamment l’objet. Je ne nie pas qu’il y ait de nombreux problèmes dans ce pays mais je voudrais simplement qu’on cesse de le stigmatiser de le réduire à Ceausescu, Dracula, et aux Roms. C’est comme si nous disions que la France c’est la Baguette, Sarkozy et les Banlieues ou l’Italie c’est Berlusconi, la pizza et la mafia… Il n’y a rien de plus agaçant surtout quand on a appris à connaître ce pays : la ROUMANIE

R comme Rêve d’ailleurs
Rêve d’ailleurs pour les Roumains, les Tsiganes si nombreux à vouloir partir en bus Atlassib ou Eurolines vers l’Italie, l’Espagne ou la France. C’est le cas de Iuliana, dont le mari est mort et qui part chaque année travailler deux à trois mois en Italie pour aider ses enfants et entretenir sa maison dans laquelle elle nous a chaleureusement accueillis au mois de juin. D’autres parents laissent aussi leurs jeunes enfants au pays sans imaginer qu’ils ne les reverront jamais car ils se seront suicidés entre temps. Ce désir d’évasion et cette détermination à travailler à l’étranger ont d’ailleurs été salués par le président de la République roumaine, M. Traian Basescu, lors d’une récente interview sur la TVR1. Pourtant, comme me l’a dit à juste titre une Roumaine à l’aéroport de Munich, « Si les étrangers sont des Dieux en Roumanie, ils sont traités comme des moins que rien chez vous ». Que dire de plus ! Elle a tellement raison. Dans toutes les familles où je suis allée (et il y en a eu !!!), j’ai été accueillie et servie comme une princesse ce qui n’a pas été sans me mettre quelque peu mal à l’aise au départ. Toutefois, je suis convaincue que peu de français aurait été prêts à confier les clés de leur maison ou leur propre lit à des étrangers qu’ils ne connaissaient absolument pas auparavant !

O comme Oubli d’un lourd passé
S’il le régime communiste n’existe plus en Roumanie depuis vingt ans, il a laissé des traces indélébiles. Je ne parle pas seulement des blocs de Brad ou de Dej, des usines abandonnées d’Hunedoara ou de Copsa Mica, des trottoirs de Timisoara, des anciens kolkhozes sur la route de Baia de Cris… le communisme s’est insinué également dans les mentalités. Rien de plus normal quand on connait les souffrances que ce peuple a du endurer sous cette période. Par exemple, la sœur gréco-catholique Pelaghia a été arrêtée une nuit par la Securitate pour avoir porté un chapelet et enfermée pendant six ans dans la prison de Sighet, reconvertie depuis 1997 en Mémorial des victimes du communisme et de la résistance anticommuniste. Cette sœur n’a pas pu se laver pendant neuf mois et la nuit, comme elles étaient 18 par cellule, elle était contrainte de se retourner si quelqu’un bougeait. Et si par malheur, une ne le faisait pas alors c’est qu’elle était morte de froid, de dénutrition ou des sévices subis. On comprend aussi mieux cette époque à travers l’histoire de Bouclette dont la famille a tout perdu lors de l’instauration du régime communiste car elle était d’origine allemande. De même, elle nous a raconté comment, la peur au ventre, elle gérait les stocks de nourriture de l’orphelinat de Baia. Elle nous a aussi parlé des longues files d’attente et du rationnement. Cependant, l’une des choses qui m’a peut-être le plus marquée c’est la curiosité des gens c'est-à-dire que tout le monde « surveille » tout le monde. Voici l’exemple d’un dialogue digne de « radio bloc » que j’ai eu avec une locataire d’un de ces immeubles:
– Bonjour Mademoiselle ! D’où venez-vous ?
– De France…
– Ah vous habitez chez Doamna Francine (Comment le sait-elle ?...Certes, Francine est une célébrité dans le coin). Elle est où ?
– Elle est partie à la messe.
– Ah bon… et vous, vous n’y allez pas ?
– Non, vous savez en France nous ne sommes plus très pratiquants …
– Vous connaissez la nouvelle voisine ?
– Oui c’est une amie.
– Mais elle est tsigane ?
– Oui (et alors ???)
– Qui paye le loyer ? (Attention ne pas faire de boulette !!!).
– Euhhhhhhhhhhhhh le mari travaille alors c’est lui qui paye !!

Elle m’a reposé trois fois la question et à demander la confirmation à son voisin de palier. La nouvelle a du faire le tour du quartier !

U comme Union européenne
Bien que je me sois spécialisée au cours de mes études sur le processus de transition économique et politique des pays de l’Est en vue de leurs adhésions à l’Union européenne, j’ai été frappée par la différence qui existe entre la Hongrie et la Roumanie. Il vous suffit de traverser la frontière pour vous rendre compte du gouffre qui sépare ces deux pays. Dans le premier, les champs sont cultivés mécaniquement, les usines entretenues, les éoliennes sont nombreuses, des autoroutes neuves. Dans le second, les champs sont en jachères, les foins sont faits à la faux, les usines rejettent une fumée orange/beige, routes sont « pleines de gropi » pleines de trous. Je ne caricature que très légèrement. A quoi est due cette différence ? L’entrée trois ans plus tôt de la Hongrie dans l’Union européenne ? Possible mais je crois qu’il s’agit surtout d’une différence culturelle car même au sein de la Roumanie, les terres « des pays hongrois » sont plus « développées », travaillées que les autres régions.
Par ailleurs, il me semble que l’Union européenne n’est pas aussi bien perçue qu’on pourrait le penser. L’adhésion à l’UE a fait augmenter les prix, les fonds débloqués par Bruxelles pour le développement des infrastructures, des transports ne sont pas « absorbés » pour ne pas dire qu’ils sont carrément détournés. D’où une nostalgie du communisme chez certains roumains qui regrettent l’époque où ils avaient un logement, un travail et qui ne voient pas les avantages apportés par l’adhésion de la Roumanie à l’Union européenne.

M comme Manque
d’argent pour la plupart des Roumains, d’infrastructures, d’administration efficaces, de personnels formés dans les hôpitaux, les centres de placement, les maisons de retraite, de logement salubres... Si les caisses sont vides en France, ici le tiroir caisse a carrément disparu !!! La « crizã » est omniprésente et les solutions qui sont proposées par le gouvernement pour relancer la croissance n’épargnent guère les plus pauvres. La TVA est passée au mois de juillet de 19 à 24%, les pensions vont être réduites de 15% et les salaires publics amputés d’un quart. Sans compter les réductions drastiques des dépenses publiques en particulier celles des centres de placement (orphelinats) dont le budget va être réduit de 20% (y compris celui de la nourriture) ; une coupure qui, bizarrement, ne touche pas les établissements pénitentiaires… Ainsi, dans de telles conditions, comment les Roumains, qui éprouvaient déjà des difficultés, peuvent-ils sortir la tête de l’eau ? Mais surtout pourquoi n’ont-ils pas plus manifester ?

A comme Avenir
Je me suis souvent demandé au cours de mon séjour à Baia ce que je serais devenue si j’étais née en Roumanie, à Brad. Quel aurait été mon avenir ? Peut-être aurais-je grandi au centre de placement, ou peut-être aurais-je vécu dans un squat ou un bloc partageant ma chambre, mon lit avec mes parents. J’aurais surement eu beaucoup moins d’opportunités pour étudier et encore moins pour faire des études qui m’intéressent vraiment. On dit « travaille bien à l’école et tu auras un bon travail » mais ici les examens, les concours, les entretiens d’embauche sont trop souvent « joués d’avance ». Même si vous avez les meilleures notes, quelqu’un qui a le bras long peut aisément passer devant vous...un comble pour un pays dont le système scolaire fait l’éloge de la méritocratie.

N comme Nourritures
Terrestres

Les sarmales, les cascavals panés avec les cartofi prajiti, les cordons bleus, la zacusca, les vinete, la tuica, la visinate et la quantité surprenante de prajitura, de langosi, de gogosi que j’ai pu gouter et qui étaient toujours excellents (sauf le pâté de Sibiu, n’est-ce pas Jean-Baptiste !!!) Cependant, je n’ai pas uniquement gouté aux spécialités locales. Grace à la nouvelle gazinière, j’ai cuisiné (en talons) des petits plats avec mes commis préférés Tiphaine et Dana qui se rappelleront surement longtemps des pates, des lasagnes, des gâteaux et des quiches que nous avons faits ensemble !
Spirituelles
En venant en Roumanie, je m’attendais à apprendre beaucoup de la culture roumaine, à apprendre sur moi aussi mais je ne pensais absolument pas enrichir mes connaissances en religion (catholique, gréco-catholique et orthodoxe). Je ne croyais pas non plus que je serais allée autant de fois à la messe. Pourtant j’ai beaucoup apprécié les discussions avec Joska 1 et 2, Maté et ses frères ou encore avec sœur Pelaghia et je sais maintenant que c’est Lui qui a le programme !!!!

I comme Incroyable, Increvable et Inoubliable
Le nombre de personnes, de choses, de villes que j’ai pu découvrir grâce à Francine ! C’est bien simple nous avons fait plus de 4 000 km ensemble à travers les Carpates, la vallée de la Cris et les plaines hongroises. Sans oublier les 100 A/R Baia de Cris - Brad !!!! Incroyable : le dynamisme, l’écoute, la gentillesse dont a fait preuve Francine tout au long de ces deux mois ! C’est pour cela que je me suis sentie incroyablement bien « à la maison » et que mon séjour restera Inoubliable.

Enfin E comme Espoir d’un retour prochain
J’espère revenir dans ce pays le plus vite possible et que les Roumains ne se sentiront plus des européens de seconde classe mais des citoyens européens à part entière. Car, au fond, ils n’ont pas grand-chose à envier à nos sociétés occidentales : Ce qu’ils gagneront chez nous en confort matériel, ils le perdront en valeurs humaines…

Fanny