Association Casa de Copii

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Baziège

La Page de Sarah 2008
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Sarah
Psychologue
Suisse
 

Après trois mois riches en expérience, difficile de savoir par quoi commencer pour résumer au mieux mes impressions sur ce voyage. alors je parlerai tout d'abord de ce pays qui m'était jusque-là inconnu, voire méconnu, et dont j'ai eu la chance de découvrir de nombreux aspects. Cette Roumanie aux multiples facettes, à la fois forte, maligne et désenchantée.

Un de mes premiers étonnements fût de réaliser que je me sentais parfaitement en sécurité en me promenant dans les rues des villes, et que la jeune génération ressemble à la nôtre, mis à part quelques différences culturelles, notamment leur appartenance forte à la religion orthodoxe et le respect des coutumes qui y sont liées. Le lien familial et intergénérationnel est encore très présent en Roumanie, c'est un aspect que j'ai beaucoup apprécié. De même, le rapport avec la nature y est encore très présent : les métiers de l'agriculture, de la construction, du bois et de l'artisanat (céramique, habits traditionnels, napperons) sont majoritaires ici. Le dimanche, les familles vivant dans les blocs partent prendre un bol d'air à la montagne ou à la campagne, arrêtant le plus souvent la voiture au bord de la route et pique-niquant là... Il faut avouer que la nature est superbe ; collines, champs, rivières, réunis en de vastes espaces. Dommage que les gens n'aient pas plus conscience de l'écologie, car la pollution du côté de la mer noire, des rivières et des montagnes devient un réel problème.

A mon avis, les difficultés majeures que l'on a pu trouver dans les familles sont en rapport avec la corruption- faisant partie intégrante du système (études, soins hospitaliers, emplois, transports publics, etc.), tout se paye en plus du prix officiel ! - et au manque de prévention et d'éducation à ces niveaux-ci : contraception, prostitution, violences conjugales, alimentation, consommation d'alcool, responsabilité du rôle de parent, rapport à l'argent.

En marchant dans les rues donc, on s'imprègne facilement de l'atmosphère simple et humaine qui caractérise les gens d'ici. Ce n'est que lorsque l'on entre au sein des foyers que l'on se rend compte des séquelles laissées par l'histoire du pays et des problèmes rencontrés au quotidien par les roumains qui les laissent avec de grandes carences affectives et matérielles. La période communiste en particulier a engendré d'amères souffrances et une méfiance à l'égard des autres citoyens, même si aujourd'hui les gens vivent libres. Par contre, l'accueil des étrangers est incomparable. Effectivement, quelque soit le niveau social de la personne, préparer un copieux repas typique pour les invités (et les laisser manger seuls !) est une coutume extrêmement importante en Roumanie. Souvent, lorsque nous avons été hébergés chez des personnes très pauvres, ou même lors de la distribution mensuelle du parrainage, nous repartions le ventre plus que rempli alors qu'eux-mêmes n'avaient pas mangé depuis plusieurs jours. Dans ces moments-là, on se demande, une fois de retour à la maison, de quel droit on se permet de manger tous les jours à sa faim et à son goût...

En ce qui concerne la population, elle est essentiellement roumaine, le pays étant encore peu touristique malgré les richesses qui s'y trouvent. Néanmoins, au sein du pays existent trois cultures bien distinctes :
celle des roumains, orthodoxes, blancs, vivant dans des maisons ou des blocs.
celle des tsiganes, très stigmatisés, mats de peau, souvent baptistes, vivant dans des quartiers à l'extérieur des villes ou dans des squats.
celle des hongrois, parlant le magyar, catholiques ou protestants, répartis dans tout le pays mais en plus grand nombre dans le département du Harghita, petit pays dans le pays, qui selon eux reviendra bientôt à la Hongrie.

Au premier abord, je n'avais pas imaginé qu'il y ait une telle différence entre roumains et tsiganes. Pour moi, tous les roumains étaient des tsiganes plus ou moins nomades, plus ou moins éduqués. Mais ici la discrimination est grande de la part des roumain envers les tsiganes. Ils les voient comme le peuple mendiant et voleur, n'ayant droit à aucune faveur à cause de leur nature « pécheresse ». C'est vrai qu'ils ont un mode de vie qui leur est propre, mais j'ai pu constater que des tsiganes honnêtes cherchant à s'en sortir n'ont vraiment pas la tâche facile; on ne leur donne pas de travail ni d'appartements, ce qui les cantonne à rester dans le même fonctionnement en quelque sorte... Quant aux rapports qu'ont les roumains et les hongrois entre eux, j'ai été surprise, pour ne pas dire choquée, de voir des commerçants hongrois refuser de vendre un gâteau typique à des roumains, et ne pas leur adresser la parole. Voilà, on se tolère mais c'est tout.

Je voudrais, pour terminer, aborder un autre aspect crucial de mon séjour ici, à savoir les enfants. Que dire d'eux sinon que, ce petit quelque chose qu'ils ont en plus, un cœur authentique et altruiste, ils l'ont gardé justement par ce qu'ils n'ont rien. C'est là la plus grande richesse des roumains, l'âme de leurs enfants... Ces derniers restent à la maison durant les vacances, souvent dans une ou deux petites pièces, et tournent en rond, surtout en cas de mauvais temps.

En observant ces conditions-là, j'ai compris la réelle importance de notre travail d'animation durant l'été, activité qui sans cela peut paraître un peu « distractive », mais nécessaire pour ces enfants ne pouvant pas partir en vacances et constamment sous le joug des problèmes familiaux. D'ailleurs, ayant visité la centre de placement de Brad et côtoyé les enfants placés là-bas durant le camp de neuf jours, je me suis plusieurs fois fait la réflexion de ces enfants avaient presque plus de chance que ceux restant dans leur famille. Cela peut sembler étrange de notre point de vue, mais effectivement dans le centre les conditions de vie minimales (lit, nourriture, chauffage, eau chaude, soins médicaux, scolarisation) leurs sont assurées. Aujourd'hui, les enfants ne sont plus à proprement parler orphelins, ils se retrouvent dans un centre lorsque les parents sont partis travailler à l'étranger, que l'un des parents est décédé et que l'autre boit, ou alors chez les grands-parents qui doivent élever et nourrir leurs petits-enfants. Admirables grands-mères...

Voilà, après tout ce que j'ai pu vivre durant ces trois mois, je repars avec des images plein les yeux, des sourires d'enfants, des paysages, des villes, des familles, des églises orthodoxes, des maisons aux formes étranges et hautes en couleurs, des animations préparées avec soin, mais aussi la vie en communauté, les rencontres très intéressantes avec les autres bénévoles, avec sœurs et prêtres hors du commun rencontrés en chemin, l'immense travail que Francine fait, une langue que j'aurais souhaité approfondir car elle est magnifique, des recettes typiques, enfin un mélange de tout cela qui ne me fait pas regretter une seconde d'avoir tenter l'expérience.

Sarah