Association Casa de Copii

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Baziège

La page de Jean-Louis 2008
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Clément (14 ans) et Simon (13 ans) ne voulaient pas entendre parler de voyage en Roumanie, et qui plus est en voiture ! « Trois jours de voiture … pas fou ?! … et puis aller en Roumanie pour voir de la misère partout … on veut pas ! »
J’ai dû user de toute mon autorité paternelle. Je résume : « Vous n’avez pas le choix. Mais vous n’aurez pas à le regretter, ce sera pour vous une très bonne expérience ! ». Céline, leur grande sœur de 19 ans, réduisit un peu plus leur réticence lorsqu’elle annonça , à notre plus grande joie, qu’elle viendrait avec nous pour revoir la Roumanie et retrouver les enfants qui l’avaient tant touchée l’année passée, en participant à l’animation organisée par l’association. Cependant, le jour du départ, Emma, la benjamine de 9 ans, titrait dans son journal intime : « La Folie de Papa ! ».

Nous voici donc partis à six : Emma, Simon, Clément, Céline, mon épouse Marie-Noëlle et moi-même. Après une première escale à Padoue, puis en Hongrie près du lac Balaton, nous passons sans problème la frontière roumaine, en présentant simplement nos cartes d’identité (merci l’Europe !). Arrivés à Arad, nous sommes bloqués à 50 mètres d’un passage à niveau, un train bloquant le signal sonore. Après un quart d’heure sans que rien ne se passe, si ce n’est la formation d’un énorme bouchon, je tente une autre route, mais sans grand succès. Ce n’est qu’après une heure et demie que nous sortons d’Arad. Il était temps, car les enfants commençaient à s’impatienter … mais, après trois jours de voiture, qui les blâmerait ?!

Il reste encore un long chemin à faire sur des petites routes de campagne et il est plus de 22h00 quand nous arrivons à Baïa de Cris. Là, Francine et les jeunes ont eu la patience de nous attendre pour le dîner. Merci !  Après un bon repas, nous nous installons, Céline avec les jeunes dans l’annexe de la maison de Francine, nous autres dans l’ancien monastère franciscain. C’est un grand bâtiment maintenant vide mais chargé d’histoire. Nos lits sont déjà faits. Tout a été préparé par Juliana qui entretient les locaux. Le séjour a été riche de rencontres et de visites. Les enfants ont participé aux animations organisées pour les enfants de Brad par l’association. C’est donc tout naturellement qu’ils ont fait la connaissance de jeunes roumains de leur âge. Ils ont aussi fait don de leurs jeux, des Duplo et des peluches, à l'école maternelle de Brad.

 
 
 

Quant à Marie-Noëlle et moi, nous avons été heureux de rencontrer nos amis roumains avec lesquels travaille Casa de Copii : en particulier Monsieur Dinca, président de la fondation Speranta, et son épouse ; Rodica, sa fille Ioana et ses parents, toujours aussi hospitaliers ! Nous avons aussi rencontré des familles parrainées par l'association et visité l’orphelinat de Brad. J’aurais aimé revoir Eugen et sa famille, qui m’avaient si bien reçu il y a dix ans avec Francine ; hélas ! ils étaient absents. Je n’ai pas revu non plus Gheorghe et Corina qui nous avaient ouvert grand leur maison : ils ont déménagé récemment à Cluj.

La visite des familles parrainées par des membres de l’association nous a fait vivre des moments très forts, par les situations de détresse dans lesquelles elles se trouvent et par la grande dignité dont elles font preuve. C’est Monsieur Ratza « coincé » dans sa chaise roulante trop étroite pour lui au deuxième étage de l’immeuble ; il attend qu’on lui coupe la seconde jambe, et d’être enfin appareillé pour pouvoir enfin bouger un peu ; Madame Ratza doit être très courageuse aussi avec ses deux grands enfants handicapés mentaux légers. C’est Magda avec ces jumeaux Alexandra et Alexandru et son mari resté longtemps au chômage et qui doit être opéré des yeux avant de devenir aveugle ; une lueur d’espoir naît enfin depuis qu’il a trouvé un emploi normalement déclaré. C’est aussi Bunica, traduisez « Grand-Mère » qui s’occupe seule de ses petites filles Daciana et Andra ; Daciana, maintenant une jeune femme, a brillamment obtenu son diplôme d’assistante sociale, avec l’aide financière d’une marraine ; elle travaille pour poursuivre ses études et doit trouver un logement pour un mois à Cluj pendant la fermeture de l’université ; Andra sa jeune sœur est légèrement handicapée par une tumeur au cerveau ; elle a besoin d’une grande attention.
 
Nous avons été impressionnés par la qualité de l’« orphelinat », il s’agit plus précisément d’un centre de placement pour enfants relevant de cas sociaux. Nouvellement restaurés, les lieux sont d’une grande propreté, très éclairés, les couloirs ornés de plantes. Les enfants sont répartis en trois « familles » de douze, six filles et six garçons. Les chambres comme les salles de bain étaient parfaitement ordonnées, y compris les peluches des enfants sur chacun de leurs lits. La directrice, mademoiselle Lili, est une jeune femme visiblement très courageuse qui doit se battre pour défendre l’intérêt des enfants, en particulier lors des conseils de classe pour que les plus aptes puissent poursuivre leurs études et ne soit pas dirigés trop vite vers une filière de formation courte. Car ici, venir de l’« orphelinat » garde une connotation très péjorative. Mademoiselle Lili est confrontée à une autre difficulté : l’absence de formation des « animateurs », personnel de l’établissement. Ils surveillent les enfants, plus qu’ils ne les accompagnent et les aident à s’épanouir. C’est à l’extérieur que les enfants trouvent leur épanouissement, notamment à l’animation de Casa de Copii dans les locaux de l’école qui jouxte l’orphelinat.

Durant notre séjour sont arrivées de Suisse deux femmes et une jeune fille : Christiane la grand-mère, Lucette la fille et Loana la petite fille. Elles venaient avec un fourgon plein de vêtements, de chaussures, de couvertures. Nous sommes allés les porter à un groupe de tziganes dans un squat de Brad. Ils nous ont fait visiter leurs logements de fortune. Un seul point d’eau pour 17 familles ! Un mobilier réduit au strict minimum. Mais là encore, beaucoup de dignité et de lucidité. Ils nous ont dit leurs difficultés à trouver du travail et leurs inquiétudes quant à leur sort lorsqu’ils devront quitter ce bâtiment en 2009, comme leur a annoncé la mairie.

Le dimanche, comme de nombreux roumains, nous sommes tous allés pique-niquer. Puis nous avons visité le monastère orthodoxe de Prislop.

Au retour, laissant Francine et les jeunes, nous avons poursuivi notre excursion en famille jusqu’à la ville de Sibiu, Capitale Européenne de la Culture 2007.

Après une nuit dans une chambre d’hôte, tenue par un allemand venu faire affaire en Roumanie, nous sommes partis à la découverte de la ville. Nous sommes loin ici des immeubles aux allures délabrées de Brad ou des blocs de la ville industrielle de Deva. Sibiu est une très belle ville avec des bâtiments majestueux du 18e et son centre médiéval pittoresque. Au retour, un bouchon de 11 km nous a décidés à rebrousser chemin et à faire un long détour dans la campagne de Transylvanie. Nous avons goûté les grands espaces et les paysages magnifiques. Mais une fois de plus, nous apprenions qu’en Roumanie, on sait quand on part, mais pas quand on arrive. Le réseau routier est peu développé en Roumanie et généralement en mauvais état, et les grand axes sont saturés, notamment avec les camions étrangers qui traversent le pays. La nuit était déjà bien avancée quand nous sommes arrivés chez Francine.

A Baïa de Cris, nous avons aussi fait la connaissance du Père Eugénio, franciscain italien, qui passe ses vacances là chaque année. Chaque matin un petit groupe se réunit autour de lui pour la messe. Le dimanche, le groupe est plus nombreux et il nous reçoit dans son jardin. Groupe international et œcuménique : Italiens Roumains Français, romano catholiques ou greco-catholiques sont présents et les orthodoxes de Baïa de Cris, en l’absence du pope sont là aussi.

La pluralité religieuse est une autre facette de la Roumanie avec ses multiples églises dans le moindre village : orthodoxes, gréco-catholiques, protestants, rivalisent d’énergie et de générosité pour avoir leur église ou leur temple.

Nous sommes restés six jours en Roumanie. Nous remercions Francine de nous avoir conduits dans les familles,  auprès des tziganes et de nous avoir fait toucher du doigt les difficultés quotidiennes de la plupart des roumains : faibles revenus, accès aux soins onéreux, grand-mère écrasées de responsabilités vis à vis de leurs petits enfants délaissés voire abandonnés par leurs parents, et tant de misère qui ne se voit pas de prime abord, mais qui peut se lire dans le regard des personnes quand on dialogue avec elles. Nous remercions aussi Rodica, Bunica et Bunicu pour leur accueil chaleureux et généreux, sans oublier Magda avec sa sensibilité, sa gentillesse et ses si bons gâteaux !

Et finalement même les enfants sont heureux de leur voyage et sont prêts à y retourner !

Jean-Louis DULOT.