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Clément
(14 ans) et Simon (13 ans) ne voulaient pas entendre parler de
voyage en Roumanie, et qui plus est en voiture ! « Trois jours
de voiture … pas fou ?! … et puis aller en Roumanie pour voir de
la misère partout … on veut pas ! »
J’ai dû user de toute mon autorité paternelle. Je résume :
« Vous n’avez pas le choix. Mais vous n’aurez pas à le
regretter, ce sera pour vous une très bonne expérience ! ».
Céline, leur grande sœur de 19 ans, réduisit un peu plus leur
réticence lorsqu’elle annonça , à notre plus grande joie,
qu’elle viendrait avec nous pour revoir la Roumanie et retrouver
les enfants qui l’avaient tant touchée l’année passée, en
participant à l’animation organisée par l’association.
Cependant, le jour du départ, Emma, la benjamine de 9 ans,
titrait dans son journal intime : « La Folie de Papa ! ».
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Nous voici donc partis à
six : Emma, Simon, Clément, Céline, mon épouse Marie-Noëlle et
moi-même. Après une première escale à Padoue, puis en Hongrie
près du lac Balaton, nous passons sans problème la frontière
roumaine, en présentant simplement nos cartes d’identité (merci
l’Europe !). Arrivés à Arad, nous sommes bloqués à 50 mètres
d’un passage à niveau, un train bloquant le signal sonore. Après
un quart d’heure sans que rien ne se passe, si ce n’est la
formation d’un énorme bouchon, je tente une autre route, mais
sans grand succès. Ce n’est qu’après une heure et demie que nous
sortons d’Arad. Il était temps, car les enfants commençaient à
s’impatienter … mais, après trois jours de voiture, qui les
blâmerait ?!
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Il reste encore un long
chemin à faire sur des petites routes de campagne et il est plus
de 22h00 quand nous arrivons à Baïa de Cris. Là, Francine et les
jeunes ont eu la patience de nous attendre pour le dîner.
Merci ! Après un bon repas, nous nous installons, Céline
avec les jeunes dans l’annexe de la maison de Francine, nous
autres dans l’ancien monastère franciscain. C’est un grand
bâtiment maintenant vide mais chargé d’histoire. Nos lits sont
déjà faits. Tout a été préparé par Juliana qui entretient les
locaux. Le séjour a été riche de rencontres et de visites. Les
enfants ont participé aux animations organisées pour les enfants
de Brad par l’association. C’est donc tout naturellement qu’ils
ont fait la connaissance de jeunes roumains de leur âge. Ils ont
aussi fait don de leurs jeux, des Duplo et des peluches, à
l'école maternelle de Brad.
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Quant à Marie-Noëlle et moi, nous avons été
heureux de rencontrer nos amis roumains avec lesquels travaille
Casa de Copii : en particulier Monsieur Dinca, président de la
fondation Speranta, et son épouse ; Rodica, sa fille Ioana et
ses parents, toujours aussi hospitaliers ! Nous avons aussi
rencontré des familles parrainées par l'association et visité
l’orphelinat de Brad. J’aurais aimé revoir Eugen et sa famille,
qui m’avaient si bien reçu il y a dix ans avec Francine ;
hélas ! ils étaient absents. Je n’ai pas revu non plus Gheorghe
et Corina qui nous avaient ouvert grand leur maison : ils ont
déménagé récemment à Cluj.
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La visite des
familles parrainées par des membres de l’association nous a fait
vivre des moments très forts, par les situations de détresse
dans lesquelles elles se trouvent et par la grande dignité dont
elles font preuve. C’est Monsieur Ratza « coincé » dans sa
chaise roulante trop étroite pour lui au deuxième étage de
l’immeuble ; il attend qu’on lui coupe la seconde jambe, et
d’être enfin appareillé pour pouvoir enfin bouger un peu ;
Madame Ratza doit être très courageuse aussi avec ses deux
grands enfants handicapés mentaux légers. C’est Magda avec ces
jumeaux Alexandra et Alexandru et son mari resté longtemps au
chômage et qui doit être opéré des yeux avant de devenir
aveugle ; une lueur d’espoir naît enfin depuis qu’il a trouvé un
emploi normalement déclaré. C’est aussi Bunica, traduisez
« Grand-Mère » qui s’occupe seule de ses petites filles Daciana
et Andra ; Daciana, maintenant une jeune femme, a brillamment
obtenu son diplôme d’assistante sociale, avec l’aide financière
d’une marraine ; elle travaille pour poursuivre ses études et
doit trouver un logement pour un mois à Cluj pendant la
fermeture de l’université ; Andra sa jeune sœur est légèrement
handicapée par une tumeur au cerveau ; elle a besoin d’une
grande attention.
Nous avons été impressionnés par la qualité de l’« orphelinat »,
il s’agit plus précisément d’un centre de placement pour enfants
relevant de cas sociaux. Nouvellement restaurés, les lieux sont
d’une grande propreté, très éclairés, les couloirs ornés de
plantes. Les enfants sont répartis en trois « familles » de
douze, six filles et six garçons. Les chambres comme les salles
de bain étaient parfaitement ordonnées, y compris les peluches
des enfants sur chacun de leurs lits. La directrice,
mademoiselle Lili, est une jeune femme visiblement très
courageuse qui doit se battre pour défendre l’intérêt des
enfants, en particulier lors des conseils de classe pour que les
plus aptes puissent poursuivre leurs études et ne soit pas
dirigés trop vite vers une filière de formation courte. Car ici,
venir de l’« orphelinat » garde une connotation très péjorative.
Mademoiselle Lili est confrontée à une autre difficulté :
l’absence de formation des « animateurs », personnel de
l’établissement. Ils surveillent les enfants, plus qu’ils ne les
accompagnent et les aident à s’épanouir. C’est à l’extérieur que
les enfants trouvent leur épanouissement, notamment à
l’animation de Casa de Copii dans les locaux de l’école qui
jouxte l’orphelinat.
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Durant notre séjour sont arrivées de Suisse
deux femmes et une jeune fille : Christiane la grand-mère,
Lucette la fille et Loana la petite fille. Elles venaient avec
un fourgon plein de vêtements, de chaussures, de couvertures.
Nous sommes allés les porter à un groupe de tziganes dans un
squat de Brad. Ils nous ont fait visiter leurs logements de
fortune. Un seul point d’eau pour 17 familles ! Un mobilier
réduit au strict minimum. Mais là encore, beaucoup de dignité et
de lucidité. Ils nous ont dit leurs difficultés à trouver du
travail et leurs inquiétudes quant à leur sort lorsqu’ils
devront quitter ce bâtiment en 2009, comme leur a annoncé la
mairie.
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Le dimanche, comme de nombreux roumains, nous
sommes tous allés pique-niquer. Puis nous avons visité le
monastère orthodoxe de Prislop.
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Au retour, laissant Francine et les jeunes,
nous avons poursuivi notre excursion en famille jusqu’à la ville
de Sibiu, Capitale Européenne de la Culture 2007.
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Après une nuit dans une chambre d’hôte, tenue
par un allemand venu faire affaire en Roumanie, nous sommes
partis à la découverte de la ville. Nous sommes loin ici des
immeubles aux allures délabrées de Brad ou des blocs de la ville
industrielle de Deva. Sibiu est une très belle ville avec des
bâtiments majestueux du 18e et son centre médiéval pittoresque.
Au retour, un bouchon de 11 km nous a décidés à rebrousser
chemin et à faire un long détour dans la campagne de
Transylvanie. Nous avons goûté les grands espaces et les
paysages magnifiques. Mais une fois de plus, nous apprenions
qu’en Roumanie, on sait quand on part, mais pas quand on arrive.
Le réseau routier est peu développé en Roumanie et généralement
en mauvais état, et les grand axes sont saturés, notamment avec
les camions étrangers qui traversent le pays. La nuit était déjà
bien avancée quand nous sommes arrivés chez Francine.
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A Baïa de Cris, nous avons aussi fait la
connaissance du Père Eugénio, franciscain italien, qui passe ses
vacances là chaque année. Chaque matin un petit groupe se réunit
autour de lui pour la messe. Le dimanche, le groupe est plus
nombreux et il nous reçoit dans son jardin. Groupe international
et œcuménique : Italiens Roumains Français, romano catholiques
ou greco-catholiques sont présents et les orthodoxes de Baïa de
Cris, en l’absence du pope sont là aussi.
La pluralité religieuse est une autre facette
de la Roumanie avec ses multiples églises dans le moindre
village : orthodoxes, gréco-catholiques, protestants, rivalisent
d’énergie et de générosité pour avoir leur église ou leur
temple.
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Nous sommes restés six jours en Roumanie. Nous
remercions Francine de nous avoir conduits dans les familles,
auprès des tziganes et de nous avoir fait toucher du doigt les
difficultés quotidiennes de la plupart des roumains : faibles
revenus, accès aux soins onéreux, grand-mère écrasées de
responsabilités vis à vis de leurs petits enfants délaissés
voire abandonnés par leurs parents, et tant de misère qui ne se
voit pas de prime abord, mais qui peut se lire dans le regard
des personnes quand on dialogue avec elles. Nous remercions
aussi Rodica, Bunica et Bunicu pour leur accueil chaleureux et
généreux, sans oublier Magda avec sa sensibilité, sa gentillesse
et ses si bons gâteaux !
Et finalement même les enfants sont
heureux de leur voyage et sont prêts à y retourner !
Jean-Louis DULOT.
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