Association Casa de Copii

Association Casa De Copii
Baziège

La page de Nadine 2006
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Nadine
Animatrice.
« En Roumanie tout est possible ! »

J’ai souvent entendu cette expression dans la bouche de Francine et j’ai eu l’occasion moi aussi, depuis un mois que je suis chez elle, d’apprécier ce qu’elle veut dire. Francine nous accueille dans sa maison à Baia de Cris, un petit village où elle est bien entourée : le père Eugénio (italien, son premier voisin), Mr Dinca (président de l’asso en Roumanie), Melle Bouclette (surnommée ainsi à cause de sa coiffure extraordinaire à base de tresses et de boucles), Rodica (institutrice diplômée en psychologie et secrétaire de l’ass) et puis Bobo (un jeune qui lui fait quelques travaux).

Dès mon arrivée je suis partie avec Francine 4 jours dans un monastère à Stenceni à côté de Toplita. La mère Eliane, carmélite, a reçu des kilos de chocolats et compléments alimentaires Nestlé qui seront redistribués dans les maisons d’enfants de Brad et de Hunedoara, aux familles nécessiteuses connues de Francine, et aussi des protections pour les personnes âgées à Baia de Cris et Brad. Francine est connue, reconnue et appréciée du personnel de ces établissements qui nous font visiter leurs locaux rénovés, avec du personnel de plus en plus compétent. A la maison d’enfants de Hunedoara nous portons des vêtements pour les bébés, car il y a un accueil pour mères célibataires qui arrivent complètement démunies. Les dons sont fort appréciés, le service administratif est très long, il n’y a pas de photocopieur et le procès verbal doit être rédigé en 3 exemplaires, à la main, avec du carbone … mais avec du temps et de la patience : tout est possible ! 

Toplita se trouve à 350km de Baia de Cris, nous passons par Cluj-Napoca pour régler un problème avec la banque (pas facile de retirer de l’argent ! les distributeurs sont capricieux : ils valident les retraits mais ne donnent pas l’argent) et nous rentrons par Brasov puis Sibiu. Les paysages du Maramures sont magnifiques et verdoyants, la température avoisine les 37°. De nombreux petits villages se dessinent au flanc des côteaux autour d’une église prédominante et brillante de sa couverture de zinc. « DRUM BUN » ou « BONNE ROUTE » le ton est ironique. Les routes sont défoncées et même sans revêtement, cependant nous rencontrons de nombreux chantiers de réparation. A certains endroits, les travaux publics s’affairent, suivant la fréquentation du lieu : la venue d’un personnage important : tout est possible ! La conduite est sportive, l’attention est la qualité requise pour prendre le volant. Là encore tout est possible : doubler sur la ligne continue, dans un virage, sans visibilité, sans respecter les «sémaphores» … l’attention sera doublée de vigilance quant à la vitesse, car nous pouvons croiser aussi bien une charrette tirée par un cheval (transport de la famille au marché) ou bien par des bœufs (pour les travaux des champs), mais aussi des centaines de Renault 18, des trabans et puis de superbes Mercédès qui déboulent comme des bombes, les camions aussi roulent très vite. Les accidents sont très meurtriers.

Pendant ce temps Maguy et Maria Angèla ont mis de l’ordre dans les affaires scolaires que nous avons également distribuées aux familles. J’ai rencontré les enfants qui participent aux ateliers d’animation organisés par « Casa de Copii » dans une salle de l’école de Brad. Nous avons fait des cerfs volants, du tissage des bracelets et différents jeux de société. Les enfants sont très demandeurs et affectueux, s’émerveillent facilement. Je regrette de ne pouvoir communiquer davantage avec eux. Ils apprennent le français beaucoup plus vite que nous le roumain, Melle Bouclette nous sert d’interprète et « tout est possible ». Les animatrices roumaines, Marion et Daciana parrainées par des familles françaises, depuis leur entrée en faculté, sont très intéressées par les nouveautés. Elles participent bénévolement aux animations de l’été. Les échanges sont fructueux.

Bernard Dagou (président de l’association), sa femme Christiane, leur fille Pauline et Pascaline Ducatez sont arrivés. Francine a réuni tous les membres de l’association « speranta 31 » : le directeur de l’école, les institutrices, les animatrices, les enfants et les parents. J’ai apprécié le travail réalisé sur le terrain, grâce à la motivation de Francine ici sur place, à travers le discours des institutrices qui participent pendant le mois de juillet à l’animation faite par les bénévoles accueillis à Baia de Cris. Les institutrices remercient les échanges occasionnés par les activités proposées par les animatrices françaises et profitent ainsi de leur savoir-faire. Leur formation ne comprend pas de travaux manuels d’éveil. Les enfants s’expriment également et sont ravis d’occuper leur temps à du loisir éducatif. Le directeur de l’école est enchanté du partenariat. Les institutrices présentes font aussi du soutien scolaire pendant l’année, l’après midi, car les cours se terminent entre 12h et 13h suivant les classes Elles sont satisfaites d’améliorer ainsi leur salaire et de permettrent aux enfants de rattraper leur retard. Le salaire d’une institutrice qui a 10 ans d’ancienneté est de 150 euros. Depuis sa création l’association compte 15 parrainages d’enfants, d’adolescents et de jeunes adultes qui sont aidés pour leurs études. La réunion se termine autour d’une petite collation.

Le fait que Francine réside sur place lui a permis de résoudre quelques situations délicates. On a entendu parler d’elle et on vient frapper à sa porte. « Une goutte d’eau dans un océan » dira-t-on. Mais dans ce pays où les mesures sociales sont quasiment inexistantes, on accepte l’aide de l’association française. Nous sommes un lundi du mois de juillet, nous circulons en voiture, nous allons faire des courses. Mais que font tous ces gens en file indienne devant la pharmacie ? C’est seulement les cinq premiers jours du mois que les médicaments sont vendus à prix réduits, les gens font la queue devant les pharmacies, si le crédit est épuisé l’accueil peut durer moins de 5 jours, nous répond Francine.

A la campagne les gens se portent mieux et se nourrissent des produits du jardin, de leur vache et de la basse-cour. Dans les blocs, souvent insalubres, il manque l’eau chaude, le chauffage ou bien l’électricité, si les factures ne sont pas payées c’est la coupure…. Les bâtiments se dégradent. Le chauffage est encore collectif, les gens coupent les radiateurs pour moins payer car les factures ne sont pas proportionnelles aux revenus. Il y a une population tzigane qui part « faire fortune » et qui revient faire construire des palais, d’autres vivent au quotidien dans les rues et attendent la moindre occasion pour mendier, ou dans des huttes en plastique dans la forêt.

C’est avec beaucoup de convictions que Francine s’est engagée avec Médecin du monde, il y a 15 ans, pour aider le département très pauvre de Hunedoara et qu’elle y a élu domicile à l’âge de la retraite. Elle a défendu la causes des enfants maltraités et a dénoncé la maltraitance. Elle a aujourd’hui 66 ans, elle passe 8 mois de l’année en Roumanie, où elle continue, en compagnie de ses amis George et Corina, Marinella et Stephanel, Joseph et Cathy, Bouclette et Rodica, les "bunica et bunicu" et ceux que je ne connais pas, d’apporter son soutien. C’est avec grand plaisir que j’ai fait la connaissance des ces gens pleins d’entrain et de bonne humeur. Il faudrait avoir conscience de ce qu’ils ont souffert pour apprécier leur joie de vivre. J’ai pris beaucoup de recul par rapport à ma situation personnelle. Francine est appréciée et reconnue, on l’appelle « Damna Francine » par respect pour son travail (en dévouement et en détermination) et aussi parce que la langue roumaine dans sa subtilité veut que les gens s’adressent ainsi. Elle ne dépose pas seulement un colis alimentaire ou une couverture, elle téléphone, elle rend visite, elle s’assoie, elle discute en roumain biensûr (un roumain bien à elle que les roumains comprennent). Elle accompagne les familles dans leurs démarches jusqu’à l’aboutissement. C’est avec enthousiasme que nous proposons à Rodica de partir avec nous, retrouver sa mère qu’elle n’a pas vue depuis 6 ans, et permettre à la famille de régler un problème d’héritage et bénéficier des aides de l’état (le père subit un lourd handicap).

Nous avons prévu de partir en excursion avec Bernard et sa famille, Francine veut nous montrer les trésors de la Roumanie, nous emmenons Rodica pour la déposer chez sa mère dans un petit village à 10km de la frontière de l’Ukraine. Nous avons traversé la Transylvanie, le Maramures, la Bucovine et la Moldavie. Nous avons visité une ancienne prison du temps du régime communiste transformée en musée à Sighetu, le cimetière de la joie à Sapinta, le lavoir de tapis à Vadu Izei, les bains d’eau de source salée à Ocna, la vallée de l’Iza et les montagnes recouvertes de sapins (brad), les monastères de Voronet, Moldovita et Sucevita avec les explications de sœur Tatiana sur les peintures bibliques qui recouvrent les murs. Nous avons laissé Rodica chez sa mère elles vont revenir à Brad avec l’autobus, il leur faudra 2 jours de voyage avec des heures d’attente dans une gare, les correspondances sont longues. Nous continuons notre visite par le monastère de Stenceni (mère Eliane est installée depuis 15 ans dans le but de réconcilier les courants religieux ) nous emmenons une chaise percée pour les besoins de MrRata. Nous continuons par la mine de sel de Praid, le village des artisans à Curund, la ville fortifiée de Sighisoara, la ville de Brasov, Sacèle et « Carrefour »... Notre randonnée se termine par une visite à Rodica qui est de retour dans sa famille, a pris le rendez-vous avec le notaire et nous déposons la chaise. La semaine suivante les formalités accomplies, la «bunica» rentrera chez elle, la famille se confond en remerciements et en « Damna Francine ».

Nous sommes le 11 septembre, nous allons fêter les anniversaires de Daniela, Eunice Bibi et Tomas leur papa. Ils vivent tous les 4, la maman a quitté le domicile. Devant le courage et la ténacité de ses filles, je décide à mon tour de faire un parrainage pour aider aux dépenses scolaires. Le coût de la vie n’est pas en rapport avec le revenu des familles, l’argent est dépensé pour les frais de premières nécessités au dépend des fournitures scolaires. La vivacité et la motivation de ces filles méritent un petit coup de main !

J’ai rencontré des gens formidables, courageux, chaleureux et conviviaux. Bienvenue dans l’Union Européenne. Tout est encore possible ! Mon séjour se termine, au revoir à tous et à l’année prochaine.

Je remercie Francine pour son accueil chaleureux et son franc parler, merci à Maguy de m’avoir accompagnée jusqu’ici. 

Nadine